Revue Spécialiséé Trimestrielle

L’ARCHITECTURE MEDIEVALE TRADITIONNELLE AU SUD-EST DE LA TUNISIE : les mosquées troglodytiques du Djebel Dahar et leur rôle dans la fixation des populations dans une région limitrophe du désert

Issue 29
L’ARCHITECTURE MEDIEVALE  TRADITIONNELLE AU SUD-EST DE LA TUNISIE : les mosquées troglodytiques du Djebel Dahar et leur  rôle dans la fixation des populations dans une région limitrophe du désert

Les mosquées troglodytiques constituaient au moyen-âge les édifices architecturaux les plus imposants du sud tunisien. Elles ont constitué les premiers noyaux autour desquels les populations ont été regroupées dans des villages sous la forme d’habitations troglodytiques, c’est-à-dire de grottes qui ne cessaient de s’étendre horizontalement, au gré des besoins. A partir de là, on passait, chaque fois que nécessaire,  du haf (niveau, bord) supérieur à celui qui était en-dessous, en sorte que ces haf finissent par entourer la colline qui forme un promontoire et que la partie supérieure des habitations joue le rôle de poste d’observation. Ce poste est alors doté de fortifications et les habitations deviennent des tours dont les pièces vont se prêter à cette fonction de surveillance avant de se transformer, à une étape ultérieure, en ksours (pluriel de ksar : bâtiment élevé) où l’on stocke les récoltes, sachant que l’intervalle entre deux récoltes peut dépasser les cinq ans.

L’évolution chronologique de cette architecture de montagne, dans une zone limitrophe du désert, fait que l’on peut aller directement à la forme du ksar ou passer graduellement du niveau de la grotte à celui de la forteresse-tour d’observation avant d’arriver au ksar proprement dit. Les constructions peuvent également se situer à mi-chemin de la forteresse et du ksar : on appelle cet ensemble la casbah. Il en va ainsi des deux mosquées troglodytiques du Djebel Damar, appelées jam’a (mosquée) ‘Alloula et jam’a Elouti (ou Loutay), dans la région de Béni Khedache qui ont joué, l’une et l’autre, un rôle dans le regroupement des populations dans une région où l’on a fait pousser les céréales, en particulier l’orge, et planté oliviers et figuiers, ce qui a obligé les habitants à se sédentariser autour des deux mosquées et contribué à l’édification d’une bordure de grottes entourant un monticule percé de tunnels creusés dans la profondeur de la pierre et formant des dédales servant à relier par l’arrière les différentes grottes. Mais cela n’a pas été jugé suffisant, sauf pour les habitants des grottes, et l’on a dû construire, dans une première étape, un fort à la pointe de la colline, puis d’ajouter une entrée fortifiée, si bien que l’on est passé de l’appellation Bled Manit à celle de Kalaat (Tour de) Manit puis à celle de Casbah Manit.

Pour étudier ce type d’architecture il faut consulter les sources, mais les sources écrites sont très rares, dans cette région du pays. L’auteur a donc dû interroger les vestiges historiques qui lui ont apporté des informations cruciales sur la naissance de ces mosquées qui, outre leurs fonctions religieuses et éducatives, servaient au stockage des denrées et à l’hébergement des étudiants ; d’autres informations ont été également collectées sur les revenus qui étaient liés à ces lieux de culte et dont une partie était consacrée à l’entretien des étudiants, mais aussi sur le travail qui, au VIe siècle de l’Hégire (XIIIe siècle),  était effectué sans contrepartie, dans cette région de montagnes, mais entrait dans le sixième des revenus qui était prélevé pour assurer la réfaction des bâtiments et la gratuité de l’enseignement.

Ali Sabty
Tunisie

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