Revue Spécialiséé Trimestrielle

SENS ET MELODIE DANS LE MALOUF TUNISIEN : L’EXEMPLE DE L’AIR « VINT LE PRINTEMPS »

Issue 28
SENS ET MELODIE DANS LE MALOUF TUNISIEN :  L’EXEMPLE DE L’AIR  « VINT LE PRINTEMPS »

Le malouf est une version hispano-arabe de l’art musical de l’orient musulman. Il a vu le jour au VIIe siècle dans l’empire arabo-islamique, évoluant ensuite, peu à peu, au gré d’une longue période d’expérimentations, pour devenir  au cours du XIIIe siècle une forme, une catégorie musicale centrale, indépendante de toutes les autres catégories, et retrouver tout son éclat et tout son rayonnement grâce à la protection des Califes omeyyades. A partir de là, la musique arabe orientale va subir l’influence des populations autochtones de la péninsule ibérique, outre celle des berbères arabisés qui affluaient depuis l’Afrique du Nord.

La version hispanique du malouf est arrivée en Tunisie au cours du XVe siècle dans les bagages des musulmans émigrant d’Espagne. Cette version va très vite remplacer la version locale de la musique arabo-islamique qui existait depuis longtemps dans ce pays. Une telle évolution pourrait s’expliquer par la pauvreté des contenus véhiculés par cette dernière, mais il est certain que le facteur  déterminant fut le prestige dont jouissaient dans le monde ces arts islamiques de l’Espagne, en raison du rayonnement que leur conféraient l’élégance et la vigueur de leur écriture musicale.

Le malouf est aujourd’hui considéré en Tunisie comme un genre musical à part. Il est composé de treize noubas, la nouba étant une « forme musicale fixe (qalîb) jouée par plusieurs instruments de musique selon un ordre précis ». Il ne fait aucun doute que le chant exécuté sur le mode de la nouba a grandement influencé  la poésie et la musique car il était de tradition de réunir, au cours d’une séance, plusieurs chanteurs et instrumentistes dont l’un ouvre la séance en chantant ou en jouant de tel ou tel instrument, la nouba passant ensuite au suivant, et ainsi de suite, en une succession d’alternances et de répétitions au cours de laquelle un nombre important de vers sont déclinés dont la composition rythmique se fonde sur le même maqam (strophe) ou sur des maqam proches les uns des autres, avec une certaine variété du rythme musical, ce qui implique une variété des mètres et des rimes.

Cet héritage a inspiré un nombre important d’études et d’approches portant sur l’historicité de la nouba, qu’il s’agisse de sa naissance ou de son développement, en tant que catégorie musicale. Ces études ont également tenté de répondre aux questions que pose ce genre musical, notamment celles relatives au mode d’exécution des airs (toubou’a) tunisiens sur la base des maqam, ou à la période au cours de laquelle ces airs ont été composés et mis en musique, ou encore à l’identité des compositeurs et des paroliers…

 

Rushdie Toumi
Tunisie

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