Revue Spécialiséé Trimestrielle

SUR LES LEGENDES POPULAIRES :LE CONTE DE L’ARBISSEAU DE LA HINNAH ET QAMAR, EN TANT QU’EXEMPLE

Issue 18
SUR LES LEGENDES POPULAIRES :LE CONTE DE L’ARBISSEAU DE LA HINNAH ET QAMAR, EN TANT QU’EXEMPLE

El Jilali El Gharabi (Maroc)

Cette étude constitue l’un des chapitres d’une thèse de Doctorat présentée par l’auteur sur les emprunts au patrimoine populaire dans l’art du roman. 

 

Le récit en question est une légende appartenant au patrimoine populaire marocain et reprise dans L’Arbrisseau de Hinnah et Qamar, œuvre du romancier marocain Ahmed Al Taoufik qui met en scène des tribus de l’Atlas où prévaut cette croyance selon laquelle la plante appelée hinnah (le henné) était, dans les temps anciens, un arbre long et imposant dont les racines s’étendaient en profondeur dans le sol, tandis que ses branches s’élevaient haut dans le ciel et que ses feuilles étaient larges comme la main ou même plus larges encore.
Les tatoueuses avaient coutume de graver au henné cet arbre sur la main gauche des femmes pour les protéger du mauvais œil et autres maléfices. Mais les malheurs ne cessaient de s’aggraver et l’arbre dessiné au henné ne pouvait plus suffire pour parer au danger. Les hommes de bien recommandèrent alors de dessiner une lune (Qamar) au creux de la main de ces femmes, la lune étant considérée comme la jalouse gardienne de tout ce qui est beau, et de dessiner l’arbre de la Hinnah sur le dos de la main, en direction de l’annulaire de façon à ce que ses rameaux s’étendent jusqu’à l’extrémité de ce doigt.
Mais l’arbre allait se sentir de plus en plus contrarié par la lune, alors que, dans le même temps, les hommes de bien l’accusaient d’avoir perdu tout effet bénéfique. L’arbre se recroquevilla sur lui-même et, du coup, perdit de son envergure jusqu’à se transformer en cet arbrisseau que nous connaissons aujourd’hui et qui a grandement besoin de la lune pour repousser le malheur loin des belles femmes.
L’auteur a adopté dans cette étude une démarche fondée d’abord sur une définition générale de la légende, ensuite sur une analyse du rôle et de la fonction de ce type de récit. Ayant résumé la légende appelée L’arbrisseau du la Hinnah et Qamar, il passe à l’analyse du contenu symbolique de ces deux pôles : le petit arbre et la lune, avant d’étudier la signification de chacun d’eux dans le patrimoine universel en se fondant sur diverses méthodes : l’analyse mythologique (Mircea Eliade ; Samuel Henry Hawk ; Virginia Hamilton ; Faras Essawah…) ; l’anthropologie (Claude Lévi-Strauss) ; la morphologie du conte (Vladimir Propp ; Charles Benetti…) ; l’approche sociologique (Abdelkébir Khatibi) ; l’analyse historique…
Il aboutit à la conclusion que la plante appelée Hinnah (le henné) et la lune (Qamar) sont deux actants qui ont leur importance dans la culture populaire universelle, sauf que le second – la lune – revêt une plus grande sacralité que le premier et bénéficie d’une place et d’une vénération bien plus grands. La lune est une divinité, un créateur qui appartient à l’univers céleste, celui des Dieux et des forces surnaturelles, alors que le petit arbre de la Hinnah relève du monde terrestre, celui des êtres et des créatures ordinaires. Le monde d’en bas a toujours besoin du monde d’en haut. C’est pourquoi la lune a été gravée à côté de l’arbre du henné, celui-ci étant devenu incapable, à lui seul, de protéger ceux qui le lui demandent.

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