Revue Spécialiséé Trimestrielle

DES BEDOUINS DU SINAI: SAMER ERRAFIHI

Issue 14
DES BEDOUINS DU SINAI: SAMER ERRAFIHI

Samir Jaber (Égypte)

L es arts gestuels – ou ce que l’on appelle communément les danses populaires – constituent l’un des centres d’intérêt les plus problématiques dans le domaine des études consacrées au patrimoine gestuel populaire en Egypte.

 

Beaucoup d’avis ont été émis sur la question et de schémas développés qui ont créé de grandes confusions, notamment entre la matériau recueilli sur le terrain et l’adaptation de ce matériau à la scène, dans le cadre de représentations théâtrales ou d’autres formes de représentation. De telles confusions se sont même étendues au public instruit qui ne dispose pas toujours de l’outillage conceptuel qui permet de distinguer d’un point de vue scientifique ces deux types de performance qui peuvent répondre à la même dénomination mais diffèrent, en réalité, tant par leur nature que par leur fonction.

 

C’est sur cet arrière-plan que s’impose aujourd’hui la nécessité d’une approche scientifique de notre patrimoine gestuel, approche qui exige la plus grande circonspection dans le recours aux instruments de recherche, à commencer par la collecte, l’analyse et le classement de ce patrimoine.
Car l’étude d’un type de danse populaire exige un travail rigoureux de collecte qui réponde à un ensemble de conditions et repose sur un outillage méthodologique propre à replacer cette manifestation dans son contexte social et culturel.



Pour l’approche « morphologique », qu’elle ait été suivie par les chercheurs eux-mêmes ou par les scénographes qui tentaient d’adapter ces danses à la scène, elle a conduit à des erreurs évidentes, au niveau des résultats, dont les plus graves furent liées aux jugements généraux portés sur cet art populaire très répandu en Egypte, dont on pourrait citer les danses du kaff (la paume de la main) qui forment un tout fondé sur de profondes ressemblances, ainsi qu’on le voit, par exemple, avec la danse dite samer errafihi des tribus arabes de l’est du Sinaï ou celle dite samer el hajjala des Arabes de l’ouest. L’arrangement scénique est le même : le groupe des hommes se met en rang, face au public, les hommes frappent dans leur paume en chantant, ils s’inclinent dans un sens puis dans l’autre jusqu’à ce qu’une femme fasse irruption sur la scène et engage un dialogue gestuel avec les danseurs.



Manifestations culturelles composites, les danses populaires constituent également une performance artistique émanant d’une dramaturgie fondée sur l’affectivité et la passion. Elles sont également le reflet des coutumes, traditions, croyances, expressions culturelles, transmises de génération en génération, au sein d’une société donnée. L’étude de ces danses doit nécessairement s’accompagner de celle des instruments et des formes mélodiques de la musique d’accompagnement. Les habits des danseurs doivent également constituer un volet important de toute approche scientifique de ces manifestations culturelles. Le chercheur doit notamment s’interroger sur le rapport entre chaque danse et les habits qui y sont liés, mais aussi sur tous les instruments dont se servent les danseurs et qui contribuent à donner à chaque performance son cachet particulier. Une danse est en effet un tout culturel cohérent qui implique également une réflexion sur le rapport entre cet art populaire et la structure de l’habitat, dans la région concernée.  


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