Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES ARTS POPULAIRES EN FETE ASPECTS DE LA CELEBRATION DU MOULED AU MAROC

Issue 13
LES ARTS POPULAIRES EN FETE ASPECTS DE LA CELEBRATION DU MOULED  AU MAROC

Zoubeïr Mehdad (Maroc)

Cette tradition a été instaurée par les figures éminentes de la famille des Azafis de Ceuta qui ont appelé à célébrer tous les ans l’anniversaire de la naissance du Saint Prophète – la Paix et la Prière soient sur Lui –, afin de perpétuer la mémoire du Messager de Dieu et de donner un grand éclat aux manifestations de l’identité islamique, au sein d’une société dont le voisinage avec les cultures judaïques et chrétiennes pouvait représenter une menace pour ses traditions culturelles et religieuses. La fête du mouled vise en effet à mettre en valeur les spécificités de l’héritage islamique face aux autres communautés fortement présentes dans le même environnement, en permettant aux fidèles d’affirmer leur attachement à la célébration de leurs propres rites, festivités et cérémonies religieuses. Tel fut en tout cas le sens premier de l’initiative des Azafis.

L’auteur s’attarde ensuite sur la structure et la thématique des poésies récitées à l’occasion de cette célébration ainsi que sur le déroulement de ces cérémonies consacrées à la gloire du Saint Messager et sur l’accompagnement musical des récitals poétiques.  Il souligne l’importance des zaouias (confréries) soufies dans la diffusion, la sauvegarde et le développement de cette culture musicale.

Les recueils comprennent des poésies chantées (malhoun) que les Marocains appellent dhikrs pour les distinguer de la poésie amoureuse et des autres genres poétiques. Le dhikr consiste en des vers à la louange du Prophète, mais aussi en des supplications dont la récitation est faite pour apaiser les âmes. Le récitant est appelé dhakkar. Ces séances de dhikrs sont également appelées les wannassas (les « réconfortantes »), mot qui met l’accent sur l’effet psychologique sur l’auditoire aussi bien que sur le récitant et son groupe de musiciens de cet art plein de noblesse.
Le poème est récité sur un mode mélodique où la prestation individuelle se mêle au chant collectif. En fait, la plus grande partie des strophes est exécutée en solo, généralement par un artiste doté d’une voix puissante et d’une excellente élocution, un artiste capable de s’élever jusqu’au sommet de l’échelle des sons. L’accompagnement musical a un caractère répétitif : la mélodie est reprise de strophe en strophe, elle est calquée sur la longueur des mots et reste dans la continuité de la ligne mélodique sur laquelle s’ouvre le poème. Mais certains virtuoses ont réussi à introduire des changements mélodiques notables à chaque passage d’une strophe à l’autre.
L’auteur s’arrête ensuite sur les instruments de musique qui accompagnent la récitation et qui varient selon les confréries ou les milieux sociaux, les uns privilégiant les instruments à cordes, les autres à vent ou à percussion, certains préférant associer deux instruments ou plus.

Beaucoup de récitants utilisent les instruments à percussion qui mettent en relief les spécificités rythmiques de leurs chants. En témoigne à cet égard la présence en grand nombre d’instruments accompagnant la performance vocale et les mouvements de la danse, tels que la tabla chez la confrérie qassimie, le deff  et la tassa chez les Touhamis, la tara chez les Aïssaouis, le houaz chez les Hedaouas, la ta’rija  et le ekoual chez les Hmachdas, le bendîr chez les Jilaliens…

L’auteur se penche ensuite sur les danses soufies qui oscillent entre mouvements légers et mouvements violents, s’arrêtant sur les confréries soufies qui sont restées attachées aux manifestations affectives appelées el layla (la nuit – par excellence) ainsi que sur les spécificités et la typologie de ces danses.

Les confréries restent profondément attachées à la danse, en tant qu’elle constitue un instrument efficace pour réaliser les finalités du soufisme. Elles y ont trouvé un moyen privilégié pour charmer les cœurs et conquérir les âmes. Par le chat’h (danses pratiquées par les derviches tourneurs) ces confréries visent à briser les chaînes qui les attachent à la terre, aux hommes, à la vie matérielle pour voguer dans le monde de l’esprit pur. C’est ainsi que la danse est devenue, à côté du dhikr, du chant et de la musique, l’une des expressions essentielles de l’art soufi.
La principale caractéristique de la danse, telle qu’elle est exécutée par les membres des confréries, est qu’elle obéit  à des règles et à des traditions héritées au sein de chaque confrérie en même temps qu’elle « diffère, au niveau des mouvements,  de la puissance et de la violence de la prestation, d’une confrérie à l’autre : si la danse des Dergaouas et des Qassimis paraît sereine, sans autre gestuelle que le mouvement vertical du corps, la danse des Hmachdas et des Aïssaouis est faite d’énergiques balancements du corps et des membres, accompagnés du battement des pieds frappant violemment le sol. » Chez certaines confréries, la danse atteint au paroxysme de son intensité, surtout dans les cas où les danseurs accomplissent  des gestes de supplication ou accompagnent certains refrains qui reviennent de façon répétitive, comme c’est le cas chez les Aïssaouis et les Touats. Dans ces situations la danse gagne en intensité, les battements deviennent plus violents atteignant à des paroxysmes sonores que répercute au même degré de violence le chant des récitants, lequel culmine en une sorte de râle au bord de l’extinction.

L’auteur conclut en évoquant la parade aux bougies typique de la ville Salé qui constitue l’une des manifestations festives de la célébration du mouled au Maroc.

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