Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE FOLKLORE DE LA PLUIE DANS LA MÉMOIRE YEMENITE

Issue 11
LE FOLKLORE DE LA PLUIE DANS LA MÉMOIRE YEMENITE

Dans les mythes de la création, l’eau est toujours présentée comme la force génératrice du ciel et de la terre. Lorsque le ciel sourit, la terre s’épanouit et la pluie vient la combler. Mais tout est désolation lorsque le ciel en colère refuse à la terre cette pluie qui la régénère. Les croyances populaires associent l’aridité et la disette à la colère du ciel.

Le mal se répand parmi les hommes et la punition du ciel ne tarde pas à venir, à travers les inondations ou la sécheresse qui dévastent la terre et finissent par réduire à néant toute forme de civilisation. La pluie est donc perçue comme un signe par lequel le ciel exprime sa satisfaction aux hommes, signifiant par là que les sociétés humaines et les individus mènent une vie normale et jouissent des bienfaits de la terre en veillant à ne pas encourir les foudres du ciel.

La prière de la pluie ainsi que d’autres rites constituent autant d’occasions pour se repentir et se rapprocher de Dieu ou de la divinité tutélaire, lesquels ne tardent pas, en retour, à apporter aux fidèles le secours des pluies bénéfiques. Le Yémen a connu, à l’instar des autres nations, un grand nombre de rites destinés à attirer la pluie, dont, notamment, la prière.

Celle-ci constitue à cet égard une des plus anciennes pratiques cultuelles de l’humanité, et ces pratiques restent, aujourd’hui encore, vivaces. La prière est, ici, une supplication et un acte de mortification, s’adressant aux puissances célestes. Elle est porteuse d’une charge de ferveur et d’émotion par laquelle les hommes cherchent à s’unir à l’être suprême. Les larmes qui précèdent le rite visent à attendrir les puissances célestes, de sorte que la divinité accorde aux fidèles son pardon et les absout de leurs péchés.

Dans l’imaginaire populaire, le nuage noir a deux significations. Lorsque ce nuage se profile à l’horizon c’est que de grands bienfaits vont bientôt combler la terre et les hommes. Telle est, en tout cas, la croyance populaire la plus répandue, mais on trouve, dans certains ouvrages, l’idée que ces nuages contiennent de sombres présages.

Les chansons populaires et les proverbes les plus courants contiennent de nombreuses évocations de la pluie, en tant que « langage » du ciel. Comme les proverbes ont la particularité d’être une expression anonyme qui reflète l’âme d’une communauté humaine, la pluie constitue, autant que les autres phénomènes naturels ou humains, un de leurs motifs récurrents. Ces proverbes peuvent évoquer la pluie, indépendamment de tout le reste, c’està- dire en tant que phénomène naturel.

Ils peuvent également l’appréhender comme un événement associé à diverses activités agricoles ou recelant des informations et des valeurs sociales. L’âme des enfants vient se loger dans la pluie et se draper dans l’arc-en-ciel. Les vieilles légendes allemandes et autrichiennes nous apprennent que l’âme des enfants monte au ciel, sous la conduite des anges qui lui font cortège.

Le répertoire du folklore accorde une place importante à la prière de la pluie : les enfants précèdent la cohorte des fidèles, en tendant en direction du ciel leurs mains et leurs yeux largement ouverts, tout en psalmodiant des invocations et en suppliant les nuées au moyen de chants spécifiquement consacrés à la pluie.

Et, comme les enfants sont associés à la pureté, le ciel répond à leurs prières. En fait, la pluie et l’enfance nous renvoient, l’une et l’autre, à un principe de pureté : la présence des enfants c’est la présence de la pluie et de la fertilité, celle de l’innocence que rien jusque là ne serait venu souiller. Nulle croyance populaire n’est séparable d’une origine légendaire ou, de façon plus large, d’un substrat mythologique. Même les croyances qui ont un fondement religieux, officiellement reconnu comme tel, ont des racines mythologiques qui remontent à la nuit des temps.

On sait également que chaque peuple a ses croyances et ses légendes qui, bien souvent du reste, varient à l’intérieur de la même communauté locale. Ainsi des sociétés vivant dans le désert qui ont des croyances liées à la pluie, s’opposant à celles qui ont cours parmi les gens de la montage, de la côte, de la ville ou des milieux ruraux. Mais ces différences ne sauraient cacher les similarités et les points de convergence qui non seulement se rencontrent au sein d’une même société mais constituent des dénominateurs communs à plusieurs peuples du monde.

Arwa Othman (Yemen)

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