LE VOYAGE DE LA MUSIQUE ET DU CHANT DE BABYLONE À BAGDAD Introduction au développement de la musique irakienne
Issue 54
Anis Hammoud Maaidi
Enseignant de musique et des arts du son
La musique et le chant occupèrent une place de choix dans la société irakienne, depuis les époques sumérienne, babylonienne et assyrienne qui se succédèrent dans la vallée du Tigre et de l’Euphrate. Ils jouèrent un rôle majeur dans les fêtes et les cérémonies, ainsi que dans la vie des hommes, qu’il s’agît des jours de joie ou des jours de peine, en temps de guerre comme en temps de paix. À ces époques, chanteurs et instrumentistes furent formés dans des écoles de musique spécialisées.
Dans le contexte de la civilisation de la vallée du Tigre et de l’Euphrate, ces arts bénéficièrent depuis les temps les plus anciens d’un statut élevé et furent associés aux rites et pratiques religieuses aussi bien que profanes. Dès lors, la musique était devenue inséparable dans la vie du peuple des moments de joie et de tristesse, qu’il s’agît de paix ou de guerre.
Au temps de la Jahîlya (époque antéislamique), musique et chant n’étaient pas soumis à des règles et principes immuables, ils avaient juste pour fonction d’éclairer de façon simple et fluide le sens des mots. La récitation de la poésie fut à cette époque le premier type de chant, et ce mot lui-même a désigné, dans un premier temps, la récitation mélodique du poème.
Aux premiers âges de l’Islam, la performance vocale et instrumentale fut mise au service de scansions et rythmes inspirés de la religion, dont les plus importants furent la psalmodie du Coran, l’appel à la prière et les louanges et hommages à Dieu et à son Prophète.
La perception de la musique varia d’un souverain à l’autre, au temps Califes rachidites. À cette époque, les professionnels de la musique et du chant se recrutaient, au départ, parmi les esclaves. Deux types d’innovation marquèrent l’époque des Omeyyades qui avaient succédé aux premiers Califes : le rythme appelé raml et le chant des noirs. La chanson de qualité vit également le jour qui avait pour base des poèmes de deux vers.
Puis ce fut au tour de Bagdad d’accueillir le Califat, et de Damas l’activité culturelle passa sous les Abbassides à la plus belle et à la plus grande des cités. Bagdad connut alors la plus civilisation la plus brillante que jamais esprit humain eût imaginée, et la musique, les lettres et les arts vécurent leur âge d’or.
L’époque abbasside fut donc celle de l’apogée des arts et des lettres. La musique et ses hommes virent s’élever leur statut au sein de la société. Les mélodies étaient pour lors attribués à leurs compositeurs dont elles portèrent le nom. Nul chanteur ne fut plus autorisé à se les approprier et à les chanter avant que leur propre auteur ne les eût exécutés en plus d’une occasion et que tout un chacun n’eût su qu’elles lui appartenaient en propre.