Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA SEBHA OU MESBAHA ICONE DE L’INVOCATION ET DE LA COMMEMORATION Du grand bazar d’Istanbul au Kasr Echawk (Le Palais du Désir) du Caire

Issue 33
LA SEBHA OU MESBAHA ICONE DE L’INVOCATION ET DE LA COMMEMORATION Du grand bazar d’Istanbul au Kasr Echawk (Le Palais du Désir) du Caire

Dr Imen Mehran

La mesbaha consiste en un chapelet que l’on égrène en comptant les invocations. Egrener (ou réciter le chapelet – le rosaire) c’est prier. On dit : « Il fut un « égreneur » ou un de ceux qui égrènent la mesbaha » pour désigner un homme qui faisait ses prières avec constance et ardeur. On dit  aussi : « Il fut sebouh (égreneur de mesbaha – un homme qui louait le Seigneur avec ferveur) et kaddous (plein de dévotion, exaltant Dieu) » pour signifier qu’un tel s’est élevé par sa piété vers des attributs proprement divins, Dieu étant Celui qui prie et qui exalte.

Dans le passé, la matière des chapelets venait de la nature : coquillages, argile rouge ou blanche, ivoire, graines, os,  verre, pierres précieuses, parfois aussi  vertèbres de certains poissons…

Les arabes se sont servis des chapelets (masabih : pluriel de mesbaha) pour louer le Seigneur, en se servant des matériaux les plus élémentaires qu’ils trouvaient dans la nature, graines, coquillages marins, petits cailloux.

La mesbaha est constituée d’un matériau principal, une graine, que l’on peut consolider avec un autre matériau, l’essentiel étant que ces matériaux soient doux au toucher et résistants, de sorte que le chapelet que l’on transporte d’un endroit à l’autre ne se brise pas facilement. La préférence est donc donnée aux matériaux les plus solides. Les grains doivent également être reliés par un fil qui ne se défait pas aisément et non par un fil qui laisserait échapper les grains au premier choc.

Le plus souvent le matériau se présente sous la forme d’un grain fraisé selon un dessin conçu par des connaisseurs. Le concepteur de mesbaha  le plus connu est l’artiste Samy Lotfi qui jouit d’une fore réputation. Cet artisan, diplômé de l’Académie des arts (Institut supérieur de arts du théâtre,  spécialité : Décor ; promotion : début des années 1990) conçoit la forme et taille le grain.

 

Le volume du grain varie d’un pays à l’autre, chaque culture ayant ses préférences pour le volume, la forme, le poids, la couleur, la douceur au toucher… ; c’est ce qui fait que la diversité participe de l’esthétique des chapelets.

Il est de tradition, dans la fabrication des chapelets, que cet objet soit complété par une imitation de minaret. Les chaînes métalliques se terminant par un croissant ou par d’autres formes en rapport avec la foi islamique sont, aujourd’hui, très répandues.

La charaba constitue un appendice esthétique et fonctionnel de la mesbaha ; elle imite la pointe qui orne le sommet du minaret qui dépend de la forme architecturale qui varie selon le lieu de culte chez les musulmans. La charaba a divers aspects et volumes : elle a revêtu, de nos jours,  une grande variété de formes qui en font un objet ornemental particulièrement proche des arts de la joaillerie ; elle consiste, fort souvent, en chaînes portant des signes en rapport avec l’environnement local.

Le milieu social a en effet influé sur la fabrication des chapelets, le matériau utilisé ainsi que le volume des grains variant selon les localités et les cultures. Quant au prix du chapelet, il est en partie révélateur du pouvoir d’achat des uns et des autres, et, partant, de la situation économique des diverses catégories sociales. Révélatrice, également, de l’état d’une société est la commercialisation des chapelets.

  1. Le chapelet est utilisé, dans certaines cultures, comme une protection contre la sorcellerie.
  2. Le chapelet sert aussi à se garder du mauvais œil et à se prémunir contre l’envie.
  3. Il est aussi un porte-bonheur.
  4. La mode : les maisons de couture dans les grandes capitales utilisent les grains de chapelets comme accessoires, s’inspirant pour différents ornements de formes empruntées au patrimoine ou utilisant ces grains pour fabriquer des bracelets ou des colliers. Des jeunes de diverses nationalités se servent de chapelets, en tant que formes ayant une signification en soi, pour varier les ornements vestimentaires. L’objet appelé « chapelet allemand » est probablement le chapelet féminin le plus en vogue chez les jeunes filles de la région.
  5. Le chapelet et la jeunesse : le type de chapelet le plus singulier et le plus répandu parmi la jeunesse est celui qu’on appelle « le chapelet d’insectes » et dont les grains sont taillés dans de la résine de pin, laquelle, à l’état liquide, piège l’insecte et finit par le momifier à l’intérieur du grain.

La mesbaha est étroitement liée à l’apparence de l’homme, dans la plupart des pays arabes, notamment ceux du Golfe. L’on voit la plupart des musulmans se rendre à la prière du vendredi, accompagnés de leurs enfants, tenant leur chapelet à la main en tant qu’emblème traditionnel de la piété.

En Egypte : Le plus souvent les Egyptiens prennent leurs chapelets, lors des visites de courtoisie, ou lorsqu’ils accomplissent leurs rites dans les sanctuaires ou s’associent à des commémorations ou à des cérémonies religieuses, la mesbaha participant, dans ces cas, de la solennité du lieu et de l’événement. Il est également de tradition que le pèlerin, retour du hadj ou de la omra (petit pèlerinage), offre aux siens un chapelet, un couvre-chef ou un tapis de prière qu’il a rapportés des Lieux saints.

A La Mecque ou à Médine : Ces deux villes, qui sont les deux premières kiblas de l’Islam, sont considérées comme le grand marché aux chapelets de l’Arabie Saoudite.

En Irak : Les marchands savent que les Irakiens assortissent leur aba’a (sorte de pèlerine traditionnelle en grosse laine) à la couleur de leur mesbaha. Les chapelets portant les Noms sublimes du Seigneur se rencontrent rarement dans ce pays car les madhaheb (pluriel de madhhab : confession, doctrine religieuse) sont nombreux dans ce pays.

En Syrie (avant la guerre) : Ce pays était un gros producteur de chapelets, mais la situation sécuritaire et les conflits armés ont porté un coup à cet artisanat ; notons que les chapelets provenant de ce pays avaient été, depuis l’époque omeyyade, parmi les plus répandus dans la région ; les modèles les plus chers venaient de Damas, ceux fabriqués par Saida Dhebida étaient incrustés de pierres précieuses.

Dans la région du Golfe : Le chapelet constitue chez les hommes, dans cette région, un élément important du paraître, il représente un accessoire de l’habit masculin (djellaba, dechdacha – pièce de tissu servant de couvre-chef) ; il varie d’un pays à l’autre, et d’une classe sociale à l’autre, la plupart des mesbaha étant ornées de pierres précieuses, ou faites en argent avec des pierres incrustées.

Au Maghreb arabe : On sait que le Maghreb entretient des rapports étroits avec la France et l’Espagne ; le nombre élevé de travailleurs maghrébins vivant en Europe a ouvert un vaste marché pour les populations musulmanes, notamment parmi les migrants de la première génération ; le Maghreb est surtout connu pour le commerce des mesbaha égyptiennes et chinoises.

La mesbaha dans certaines religions et croyances

Premièrement : La mesbaha dans les religions non révélées :

  1. Le chapelet est appelé chez les hindouistes roudrashka ; il participe chez les fidèles de l’acte de méditation
  2. Le chapelet est appelé chez les bouddhistes mala.

Chez les hindouistes comme chez les bouddhistes le chapelet se compose de 32 à 108 grains.

Deuxièmement : La mesbaha dans les religions révélées :

  1. La mesbaha dans la religion judaïque : elle se compose de 45 grains.
  2. La mesbaha dans la religion chrétienne.

Toute Issues