La Femme Soudanaise Et La Culture Musicale - Deux Danses: Az-Zar Et Al Arous Une Musique «Physique»
Issue 12
Ali Ebrahim AL-DhaW (Soudan)
L ’auteur veut s’inspirer de l’audace qui est au cœur de toute culture musicale pour aborder certaines formes de musique, liées à des danses telles que az-zar et al arous qui furent très pratiquées par les femmes, au Soudan, et tenter de les expliquer en cohérence avec les idées qui prévalaient à l’époque sur la vie sociale des femmes.
La danse appelée al arous est, pour l’essentiel, une danse accompagnée de musique et exécutée en solo par la mariée, dans le cadre des festivités du mariage. Elle ne peut être produite en dehors de ce cadre, car elle doit être précédée d’un certain nombre de dispositions et de rites codifiés. Cette danse consiste en un ensemble de pas conçus essentiellement pour mettre en évidence les charmes de la femme, la souplesse de son corps et sa capacité à s’adapter à toutes les figures imposées par l’exercice. La future mariée doit à cet égard suivre un entraînement, sous la direction d’une femme appelée al a’llama (l’instructrice). Cet apprentissage s’accompagne d’un ensemble de leçons dispensés à la jeune fille, dans le but de lui donner la fermeté nécessaire au passage de l’adolescence à l’étape de la féminité accomplie qui fera d’elle une femme, au sens plein du terme. Az-zar est un rite fondé sur la croyance que la femme qui souffre de certains maux, surtout des états de mélancolie et de prostration, est habitée par certains esprits maléfiques tels que le vent rouge. Pour la libérer de l’emprise de ces esprits ou pour en réduire la virulence, on recourt aux maîtres (cheikhs) d’az-zar qui jouent le rôle de médiateurs entre la patiente et ces esprits afin de les calmer et de prémunir la jeune femme contre leur influence néfaste. Ce rite prend la forme d’une soirée musicale où rythmes et mélodies jouent un rôle essentiel, grâce notamment à la participation active de l’assistance à l’événement, car cette assistance est tenue informée, dès l’ouverture de la «boîte» qui permet d’identifier le mal, de la nature de l’affection et du type d’esprit qui habite la patiente.
Il faut remarquer que les rythmes d’az-zar peuvent ébranler certains auditeurs, eux-mêmes hantés par l’esprit maléfique auquel s’adresse cette danse. Ceux-ci s’en trouvent aimantés de la même façon que les auditeurs de la musique soufie, y compris lorsqu’il leur arrive d’entendre cette musique en dehors des rites habituels. On peut déduire de là que la musique constitue l’élément nodal de ce rituel et qu’elle en est la composante la plus déterminante en ce qui concerne les personnes habitées par ces esprits maléfiques.
La connaissance de la structure musicale des séances d’az-zar contribue, dans une large mesure, à comprendre de l’intérieur les multiples aspects de cette pratique populaire et, partant, à appréhender de façon plus approfondie cette manifestation, de manière à la constituer en objet d’étude digne d’intérêt, plutôt que de la regarder de l’extérieur et de la soumettre à des interprétations ou à des critères de jugement univoques.
Après la noce, lorsque s’achève la période des belles rêveries, toutes revêtues de parfums, de beaux atours, et accompagnées de danses et de gestes qui mettent la mariée au centre de toutes les attentions, la jeune femme entame sa vie d’épouse et doit affronter la réalité qui, le plus souvent, diffère à bien des égards de ces jours fastes. Naissent alors la déception et la pression psychologique et commence la recherche d’un moyen pour sortir de l’état d’asphyxie qui aura succédé à la fête. De nouveau, la femme s’en prend au vent rouge: n’est-il pas, de façon ou d’autre, responsable de ce mariage, du fait qu’«il» ne s’y est pas opposé dès le début ? N’a-t-il pas été partie prenante à l’événement, dès l’instant où le prétendant est venu faire sa demande en mariage ?