Etude Appliquée A L’Epopée De Seif Ibn Dhi Yazin
Issue 12
Farag Qdri Al Fakhrani (Egypte)
Les études sur la littérature populaire tendent à faire ressortir les similarités et les interactions qui existent, à différents niveaux, entre les patrimoines des peuples. De nombreux auteurs ont pu à cet égard affirmer qu’une forme d’expression populaire proche ne saurait avoir de sens, si elle est appréhendée, en tant que manifestation isolée, indépendante de l’existence d’une autre forme plus éloignée.
Des spécialistes, tels que Dov Newey, Shalom Shwartzbaum, Ulrich Marzolf, Heida Jason ont construit nombre de leurs études sur la base de rapprochements entre différentes composantes de la littérature populaire (écrite ou orale) afin de reconstituer, à chaque fois, la mosaïque dont les morceaux se sont éparpillés parmi les différents groupes humains.
Mon objectif, en entreprenant de mettre en ordre l’épopée de Seïf ibn Dhi Yazin, était de classer les éléments constitutifs de ce récit multiple sur la base d’une approche logique et cohérente. J’ai essayé, dans toute la mesure du possible, de mettre les éléments dégagés à la place qui leur revient, une fois le motif élaboré de façon conforme au glossaire.
L’épopée raconte, en plus de deux mille pages, la vie du roi Seïf ibn Dhi Yazin. Le récit, entre mythe et histoire, rapporte avec force détails les faits et gestes de ce héros que certains livres du patrimoine considèrent comme une figure historique dont on ne saurait mettre en doute l’existence.
Il s’agit d’un prince yéménite qui aurait réussi, à la tête des armées arabes et avec l’aide des Perses, à chasser les Abyssins de son pays.
Les événements se situent, à la fin de l’occupation abyssine du Yémen, au cours de la seconde moitié du Ve siècle (ap.J.C.). Et, même si l’épopée a également trait à la présence arabe en Egypte, à l’époque antéislamique, couvrant des événements qui se sont déroulés sur quatre générations – dont la dernière nous présente Seïf ibn Dhi Yazin, devenu grand-père –, soit, au total, une période de trente ans, six mois et vingt-sept jours, ce récit n’en rapporte pas moins de nombreux événements attestés, survenus au long de cette période.
Le récit prend naissance en un point qui n’a pu être déterminé avec exactitude mais qui pourrait se trouver dans la partie sud-est de la presqu’île arabique. Il nous conduit ensuite vers les côtes orientales de l’Afrique pour remonter le cours du Nil jusqu’en Egypte où il s’achève. Dhu Yazin, le père du héros, entreprend, bien avant l’apparition de l’islam, un voyage qui le conduit du Yémen jusqu’en Syrie, en passant par la Mecque. Il est accompagné de son fidèle ministre Yathreb, un homme de grande sagesse. Il élimine, au cours de son périple, un des rois de Syrie qui s’appelait Baâlabak, puis traverse la Mer rouge et se retrouve dans la ville d’Al Hamra, sur la côte d’Abyssinie et du Soudan. Le récit nous donne, ici, des informations précises sur les échanges qui existaient entre Al Hamra et Ad-Dour, capitale des Abyssins.
Très tôt, Seif ibn Dhi Yazin entreprend une mission des plus périlleuses, il part à la recherche du Livre du Nil qui se trouve en Abyssinie, entouré de diverses défenses relevant de la magie. Ce livre, censé receler le secret du fleuve, est aussi un véritable livre de géographie de la vallée du Nil, et le récit fait état d’un grand nombre de lieux et de villes existant ou ayant existé sur les bords de ce fleuve.
Le héros finit par s’emparer du Livre du Nil, ce qui lui permet de libérer le cours du fleuve qui, pour lors, ne traversait l’Egypte que sur une faible distance, étant tenu prisonnier et enchaîné en Abyssinie. Ainsi le Nil pourra reprendre son flux jusqu’à la mer Méditerranée, donnant naissance sur ses deux rives à Misr – l’Egypte –, ainsi baptisée par le héros du nom de son premier fils, qui règnera sur ce pays.