LA CUISINE TRADITIONNELLE ET SON INDUSTRIE DANS MON VILLAGE
Issue 16
Meriem Bechich (Syrie)
Levillage d’Ad-Damina orientale se trouve dans la préfecture de Homs, à environ 20 kilomètres, au sud-ouest de la ville. D’après le recensement effectué en 1961 par le mokhtar (maire, édile) du village, sa population était alors de 722 âmes; elle est passée, en 2006, à 2702 âmes, mais la croissance démographique est aujourd’hui inférieure à 1%.
Il n’existe pas d’étude sur l’histoire du village, mais l’historien Naïm Az-Zahrawi le cite comme un des villages où se sont rendues les missions catholiques qui remontent au XVIIe siècle. On peut donc estimer que le village a près de deux cents ans d’âge, ce que confirment, du reste, les plus âgés de ses habitants qui ont affirmé que celui-ci ne remonte pas à plus de deux cents ans.
Le village d’Ad-Damina orientale était connu, à l’instar de la plupart des villages de la province, pour la culture des céréales, en particulier le blé et l’orge auxquels s’ajoutent d’autres cultures, comme les lentilles, les petits pois, le cumin, etc., ainsi que l’élevage des moutons, caprins et autres animaux de basse-cour que l’on trouvait alors dans toutes les maisons. L’arboriculture a commencé avec la vigne puis, à une échelle réduite, les amandiers. Blé, produits animaliers, raisins constituent donc les ingrédients de base de la cuisine locale. Des plats variés ont été préparés en grand nombre à partir de ces produits.
Seules les véritables initiatives permettent la conservation du patrimoine, et l’on ne saurait nier que le nôtre souffre de l’abandon et de l’oubli des siens qui ont été subjugués par une modernité qui fait que les jeunes regardent ce patrimoine comme contraire au progrès auquel ils aspirent. Il est donc indispensable, à cette époque marquée par tant de mutations rapides et inattendues, que des décisions concrètes soient prises qui dépassent le stade de la simple réflexion et que soit tirée la sonnette d’alarme pour préserver cet héritage.
Ainsi, il faut que des initiatives soient adoptées afin que soient fabriqués des plats sur la base des produits agricoles cités plus haut et que ces plats soient commercialisés sous un emballage attrayant, en tant que produits naturels, parfaitement sains, avec un certificat d’origine soulignant le mode, la région, la localité ainsi que l’historique de sa production. N’est-ce pas là le type même de projet conciliant les intérêts matériels, moraux et environnementaux de la région ? Une telle initiative exige simplement une main d’œuvre formée (ou, éventuellement, à former) et des produits agricoles sains. Il n’est pas besoin d’équipements lourds ou d’usines nuisibles à l’environnement. Le projet, en outre, est de nature à créer des emplois, à dégager des ressources économiques et à encourager la conservation d’une production ancestrale, tout en offrant des produits alimentaires sains et naturels, réalisés sur la base de la promotion d’une agriculture naturelle.
Il importe de redire que le fondement de toute initiative visant au sauvetage de notre patrimoine doit commencer par une campagne d’archivage exhaustive et soutenue qui serait de la responsabilité de toute personne informée, éduquée, consciente de ses devoirs. Cette campagne devrait toucher toutes les formes de patrimoine quelle qu’en soit la valeur. Même si d’autres activités s’imposent, l’archivage reste la pierre angulaire de toute action menée dans ce sens, car le nouveau est toujours dans la continuité de l’ancien. Œuvrer à l’élaboration des archives de la matière patrimoniale avec la participation de la majeure partie des villageois est de nature à constituer un fonds précieux et un appui incomparable à toute recherche, à tout projet ou activité susceptibles d’être entrepris à l’avenir.
Si l’on néglige le travail d’archivage face à l’oubli et à la déperdition accélérée auxquels notre patrimoine – surtout dans ses occurrences les plus simples, les plus anodines – se trouve exposé, un jour viendra où les retards accumulés seront tels que toute reconstitution s’avérera impossible.