L’ARTISANAT DES FEUILLES DE PALMIER DANS LE SUD TUNISIEN
Issue 7
L ’étude porte sur une technique traditionnelle : la fabrication d’objets à partir des feuilles de palmier (sa’f), et sur un lieu particulier : la région de Nefzaoua, dans le Sud tunisien. Le travail du sa’f dans cette région remonte loin dans le passé, mais il a connu un certain recul par comparaison avec d’autres zones d’oasis, telles que celles du Djérid ou de la ville de Gabès. Alors que de nombreuses personnes s’y adonnaient dans la plupart des villages de la région, seuls, aujourd’hui, quelques hommes et femmes âgés maintiennent cette tradition, les objets fabriqués ayant cessé de jouer le rôle primordial qu’ils avaient auparavant, du fait de l’invasion des produits en plastique. L’auteur met l’accent, au début de son étude, sur les matériaux et les outils de travail en usage : le sa’f constitue le matériau de base, il est disponible en grande quantité dans la région mais les feuilles de palmier, y compris lorsqu’il s’agit du même arbre, ne sont pas toutes de la même qualité.
Le sa’f sec et dur n’est guère utilisé, seules sont en fait transformées les feuilles du coeur du palmier. La dimension varie également d’un palmier à l’autre, la feuille peut être large, ici, longue, dans tel palmier, courte, dans tel autre. Certains produits, tels que la poudre de teinture, les fils et cordes pour les coutures et certaines tiges ou branches, sont nécessaires au travail de l’artisan. Quant aux outils, les plus courants sont la achfa (grosse aiguille), le couteau pour trancher les feuilles, l’aiguisoir pour l’entretien des outils métalliques…
La deuxième partie passe en revue les techniques en usage, dans ce type d’artisanat, mettant en évidence deux types de techniques : celle dite du seff que l’on appelle aussi dhfirâ (tressage) qui ne fait pratiquement appel qu’à l’adresse manuelle de l’artisan ; et celle de la couture où il est fait recours à la achfa. Le travail est précédé d’une étape préparatoire commune aux deux techniques qui se subdivise, à son tour, en différentes étapes plus délicates car exigeant une grande concentration, toute précipitation ne pouvant aboutir qu’à un produit de qualité moindre. Il s’agit en fait de quatre étapes : le séchage ; le stockage ; la teinture et la macération. On remarquera l’existence d’une spécialisation par sexe des tâches à accomplir : les hommes se chargent
uniquement du tressage, et tout ce qui a trait à la couture est laissé aux femmes qui y excellent. Même si celles-ci sont capables d’assumer certaines tâches masculines, ces tâches sont généralement réservées aux hommes. En outre, chacun se charge de fabriquer les objets et instruments dont il a besoin au quotidien : l’homme qui est aussi paysan produira ce dont il a besoin dans l’oasis, la femme se contentant de fabriquer les outils et ustensiles domestiques. Faut-il rappeler que tous ces artisans, à l’instar de la majorité des artisans dans les villages et les zones rurales, ne possèdent ni échoppes ni ateliers et travaillent chez eux, et que cette activité n’occupe pas toutes leurs journées mais qu’ils n’y consacrent, le plus souvent, que leurs heures de loisir.
Dans la dernière partie de l’étude, l’auteur propose une classification par groupes des produits en sa’f en se fondant, d’abord et pour plus de facilité, sur le type de technique utilisé, ensuite sur la fonction. Ainsi, nous avons, parmi les produits exigeant le recours à la couture, le plat, le couvercle et la rounia (panier ayant la forme d’une jarre). Le premier sert à la présentation des mets qui sont protégés par le couvercle, tandis que la rounia est utilisée pour le transport des céréales, des dattes ou des olives de l’oasis vers le village mais aussi pour le stockage de ces produits dans les maisons. Les objets fabriqués selon la technique du seff (tressage) sont beaucoup plus répandus que les objets cousus, lesquels sont utilisés comme nattes ou comme tapis à prière. Ils peuvent aussi avoir la forme de paniers (couffins), de jawlaks pour le stockage ou de chapeaux (assez semblables aux chapeaux de paille) …
Ce type d’activité artisanale qui reste très répandu et dont les produits extrêmement variés sont encore en usage dans de nombreux domaines est digne de l’intérêt des chercheurs qui devraient élargir leurs enquêtes sur le terrain et susciter la collaboration d’instances scientifiques spécialisées. Car il s’agit d’un patrimoine culturel matériel qui fait partie de la culture populaire dans ses manifestations locales concernant des populations vivant loin des villes et des grandes agglomérations, et qui, en outre, contient une part importante de ce patrimoine immatériel que représentent toutes ces inventions, compétences et expériences qui doivent être sauvegardées.
Mohamed Aljazeerawi - Tunisie