Revue Spécialiséé Trimestrielle

ASPECTS DE L’ORNEMENTATION DES DEMEURES PATRIMONIALES DANS LA VILLE DE ZABID

Issue 60
ASPECTS DE L’ORNEMENTATION DES DEMEURES PATRIMONIALES  DANS LA VILLE DE ZABID

Dr Muhammed Abdul Hamid Noaman Thabit

Maître-Assistant au Département de l’Architecture d’intérieur à l’Université d’Al Hodeïda. Yémen

L’architecture dans la ville de Zabid est considérée comme un art unique en son genre au Yémen : d’abord, en raison de la forme simple de la demeure zabidie qui se compose la plupart du temps d’un large vestibule sur lequel donnent une ou plusieurs pièces principales ; ensuite, de la surface importante qu’occupent les formes ornementales à l’intérieur de chaque habitation. Cette place n’est, à l’évidence, que la contrepartie de la pauvreté des équipements dont dispose le bâtiment, ce qui représente en soi un contraste entre la simplicité des formes et la richesse de l’élément ornemental. C’est bien ce contraste qui confère à la demeure zabidie cette apparence qui la distingue des autres habitations yéménites. 

L’architecte local a en effet essayé de trouver une solution pour parer à la chaleur ambiante dans un contexte d’extrême humidité. Il a élevé les murs de chambres et élargi les ouvertures qui sont au-dessus des portes et des fenêtres. Un plafond et des ouvertures plus hautes contribuent en effet à chasser l’air chaud et à adoucir la température des chambres. C’est pour cette même raison que le sol des chambres n’est ni cimenté ni recouvert de petites pierres. À l’intérieur comme à l’extérieur du vestibule, le sol est au contraire enveloppé d’une légère couche de terre continûment aspergée d’une eau que l’on puise dans un puits creusé dans l’un des recoins de ce vestibule et qui permet d’absorber la chaleur. Des arbres sont également plantés dans ce vestibule dans le but d’adoucir l’atmosphère de la maison. Le blanc est utilisé pour repeindre les surfaces extérieures aussi bien pour réduire les déperditions de chaleur que pour la décoration des surfaces, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. 

La construction des petites structures à l’intérieur de la maison est le plus souvent de forme horizontale, ces éléments sont séparés les uns des autres par une certaine distance afin de permettre à l’air de circuler librement. Certaines maisons sont de forme verticale mais elles dépassent rarement les deux étages. Le coût de ce genre d’habitation est élevé, seuls les commerçants et les notables ont les moyens de les ériger.

Les demeures de Zabid se caractérisent par la richesse de leur ornementation. Celle-ci occupe toute la surface disponible sur la façade et les murs des chambres. Les artistes de la ville se sont le plus souvent contentés d’utiliser la craie que l’on trouve à quelques kilomètres au nord de la ville pour réaliser leurs œuvres. Ce matériau ainsi que le bois sont sculptés selon les techniques de la taille et du modelage. Les ornements qui embellissent les devantures des maisons de Zabid sont à base de formes géométriques tels que les rectangles ou les triangles. On y trouve aussi en grande quantité des lignes courbes qui sont celles des plantes dépouillées de leurs feuilles et de leurs branches. Ces lignes sont édifiées avec de l’argile ou sculptées dans la craie ou le bois. Les formes écrites ne sont pas présentes en tant qu’éléments de décoration, ce sont de simples versets du Saint Coran – notamment les versets de la chaire –, destinés à implorer la protection divine pour les habitants de la maison. Il arrive aussi que l’on rencontre des phrases ou expressions de bienvenue à l’intention des hôtes de la maison, ou des chiffres indiquant la date de fabrication de la planche ou morceau de bois utilisé. Frenda Fernando affirme que l’élément le plus frappant dans les demeures de Zabid réside dans la finesse et la densité des ornementations qui se trouvent sur les murs, les plafonds et les entrées. Il estime que ce style décoratif a deux origines : l’une locale à valeur culturelle en rapport avec la ville de Zabid, en tant qu’elle est un centre culturel ; l’autre se rapportant au talent des artisans indiens qui, jusqu’au XIXe siècle, furent très présents sur les rivages de la Mer rouge.

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