Revue Spécialiséé Trimestrielle

MALADIES ET ÉPIDÉMIES DANS LA CULTURE MAGHRÉBINE Significations et symboliques

Issue 57
MALADIES ET ÉPIDÉMIES DANS LA CULTURE MAGHRÉBINE Significations et symboliques

Dr Hamdadou ben Amor

Département d’histoire

Université d’Oran 1

Maladies, épidémies, famines et autres fléaux naturels constituent autant de facteurs qui sont à la base du figement et de la stagnation des structures et des cadres économiques et sociaux. En termes plus généraux, on pourrait dire que ce sont ces facteurs qui expliquent l’hémorragie démographique qui a affecté les sociétés du Maghreb depuis le XVe jusqu’au XIXe siècle, en passant par les seizième, dix-septième et dix-huitième siècles. C’est en effet à partir du moment où les populations européennes ont commencé à se débarrasser de ces fléaux que ces populations sont, au contraire des populations maghrébines, entrées dans l’ère des grandes mutations, dans tous les domaines. 

La mémoire des maladies et des épidémies dans les pays du Maghreb s’est traduite dans la culture populaire par un ensemble d’actes et comportements reflétant les peurs ancestrales. De même, l’apparition cyclique de telles crises sanitaires a-t-elle entraîné des formes de médication et de prévention qui se situent en dehors de tout contexte scientifique. L’on a vu ainsi les gens se ruer vers les charlatans et autres pseudo guérisseurs, et hanter les saints et les mausolées à la recherche d’une bénédiction ou d’un chemin pour guérir de ces maux et échapper à la mort, l’idée communément admise étant que le salut ne pouvait venir de la médecine.

L’histoire moderne du Maghreb doit être expliquée en mettant l’accent sur les crises et catastrophes démographiques qui ont frappé les populations de la région, mais aussi en examinant les causes de ces fléaux, les facteurs qui y ont contribué, leurs manifestations ainsi que leurs impacts négatifs tant sur la société que sur les pouvoirs en place.

L’auteur mentionne à la fin de cette étude les résultats auxquels il est parvenu à travers l’examen des manuscrits. Ces résultats sont nombreux, mais seuls quelques exemples ont été retenus dont on peut citer ce qui suit :

  • La culture populaire maghrébine a contribué dans sa diversité à conserver la mémoire collective de ces crises, grâce à son patrimoine de chansons, de poésies rimées (zajal), de proverbes et de contes populaires, palliant d’une certaine façon les vastes oublis de la culture savante.
  • On constate une sorte de consensus au Maghreb, en général, et plus particulièrement en Algérie, autour des noms donnés à ces fléaux. 
  • Des disparités apparaissent, par contre, notamment en ce qui concerne les orientations et attitudes à adopter quant aux moyens de se prémunir ou de se protéger contre ces maladies et épidémies. On le voit notamment dans les écrits d’éminents théologiens tels que Hamdane ben Othman Khoudja ou Abou Hamed Al Arabi. 
  • La conviction qui avait cours chez le commun des gens était que ces fléaux étaient la conséquence de leurs péchés et de leurs manquements à la foi.

Il existe autour de ces fléaux et des multiples explications qu’ils ont suscitées un rapport dialectique entre l’historien et le faqih (théologien, exégète du Coran), d’un côté sur la base de pratiques sociales, de l’autre d’arguments charaïques.

Toute Issues