Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA DIMENSION CULTURELLE ISLAMIQUE DU RÉCITATIF RELIGIEUX Études sur les traits stylistiques et le rapport avec la chanson arabe L’exemple de l’imploration : « Ô Maître des deux univers »

Issue 54
LA DIMENSION CULTURELLE ISLAMIQUE DU RÉCITATIF RELIGIEUX Études sur les traits stylistiques et le rapport avec la chanson arabe  L’exemple de l’imploration : « Ô Maître des deux univers »

de Mohamed Omrane

Khaled El Jmel – Tunisie

L’étude porte sur la relation entre la religion et la musique à travers le rapport du récitatif religieux à la formation des chanteurs arabes qui apprennent, la plupart du temps au cours des premières étapes de leur scolarité dans les kouttab (écoles d’instruction religieuse), les bases de la religion et les règles de la psalmodie du Coran ainsi que celles du récitatif, règles qui constituaient en fait les principales matières de cet enseignement traditionnel. 

L’auteur souligne l’importance du récitatif religieux au niveau de la chanson et de la scène musicale arabes, en plus du rôle que ce type de chant joue dans l’enracinement de la culture arabe et de l’identité islamique.  Il souligne les éléments de complémentarité qui existent entre l’école du récitatif et la formation à la chanson arabe, sachant que les deux écoles se complètent, le chanteur étant, dans une première étape, appelé à recevoir une formation aux règles de la psalmodie afin de maîtriser à la perfection la prononciation des mots arabes. Le lecteur et le récitant doivent également recevoir une formation musicale afin d’acquérir la capacité de réaliser de belles performances vocales, d’adapter les strophes au chant, de passer sans difficulté d’une séquence mélodique à l’autre et de bien régler à chaque fois la hauteur de la voix.   

Dans un autre registre, l’auteur a voulu mettre en lumière les principales modalités du récital religieux, tant au niveau de la technique du chant que de la composition des membres de l’orchestre. Il a pu dégager trois types de performance : la performance individuelle qui consiste en la prière et l’imploration adressées au Très-Haut ; l’exécution des muwashah (poésie à double rime) à travers le dialogue entre le récitant et le chœur qui se tient hors de tout accompagnement musical, excepté l’usage du tambourin et de certains instruments à percussion ; enfin, le chant religieux que le récitant exécute sur la base d’un poème mis en musique, en s’accompagnant d’un groupe de musiciens. Ces procédures ou modes d’exécution permettent au récitant de manifester ses dons ainsi que son habileté à se mouvoir à l’intérieur du maqam (strophe mélodique) originel et de ses diverses ramifications, outre sa capacité à épanouir les ornementations mélodiques. C’est pourquoi l’auteur a insisté sur l’importance d’une parfaite assimilation des règles du tajwîd (psalmodie) du Coran pour ce qui est de la fixation de la sortie des voyelles et consonnes et à l’exécution du chant.

Le récitatif religieux s’est associé, dans l’histoire de l’Islam, à l’apparition du soufisme au cours du Ve siècle de l’hégire (XIIe siècle) et à l’instauration de la culture du retranchement et du colloque solitaire avec Dieu, le soufisme ayant adopté la zaouia comme lieu par excellence de l’isolement et de la méditation en vue de la prière et de l’adoration, et le récitatif en tant que voie pour se rapprocher du Seigneur. Le récitatif religieux s’est répandu sur une large échelle dans le monde arabo-musulman, notamment à l’époque moderne. Il a acquis une grande importance et s’est développé sous de nombreuses formes. Il a connu un grand retentissement en Égypte, en Tunisie et Syrie, pays qui ont vu émerger de fort belles voix et des troupes de grand talent, devenant ainsi, au cours du XIXe siècle, de véritables écoles de l’art du récitatif, premier jalon à cette époque dans la formation des musiciens et des chanteurs.

Pour mettre en évidence l’aspect artistique du récitatif et ses rapports avec le style et les techniques de la chanson arabe, l’auteur a pris pour exemple le Cheikh Mohamed Omrane qui est considéré pour le XXe siècle comme l’un des maîtres du récitatif dans le monde arabe. Il s’est penché en particulier sur un passage de l’imploration intitulée « Ô maître des deux univers » pour analyser le style de ses improvisations et le développement mélodique qu’il avait adopté pour ce maqam. Il a pu ainsi mettre en valeur les ajouts que cet artiste avait introduits à travers diverses créations vocales ainsi que les capacités qui étaient le siennes quand au passage très étudié d’un maqam à l’autre et qui le distinguaient des récitants et même des chanteurs qui étaient ses contemporains. 

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