Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA SAISON DES CÉLÉBRATIONS RELIGIEUSES DAN LA ZAOUIA D’ASSA Le sacrifice de chameau : rituel et significations

Issue 52
LA SAISON DES CÉLÉBRATIONS RELIGIEUSES DAN LA ZAOUIA D’ASSA Le sacrifice de chameau : rituel et significations

H.M. Charkaoui

Maroc

L’expérience religieuse en tant que pratique humaine est singulière dans la plupart de ses aspects. Elle résiste à toute tentative de définition et à tout effort visant à l’appréhender en ses multiples dimensions. Cette résistance est en fait liée à la nature de l’esprit humain auquel cette expérience est liée. Celle-ci demeure en effet par plusieurs côtés subjective, tributaire de l’intériorité de celui qui la vit et similaire à sa personnalité singulière. L’anthropologue René Girard reconnaît cette spécificité des formes que prend le sacré, tout en affirmant qu’une telle spécificité se trouve, en revanche, objectivée par les pratiques rituelles et sociales à travers lesquelles elle se déploie. 

Les rites et les mythes religieux constituent les manifestations extérieures par lesquelles les croyances et les représentations religieuses prennent forme et deviennent réalités.  Toute étude ou recherche portant sur ces croyances ne peut se faire sans que ces manifestations ne soient examinées à une étape ou l’autre du travail. Le fait que ces croyances soient « observables » et « mesurables » en fait la principale entrée au plan méthodologique en ce qui concerne les recherches tendant à puiser leur inspiration dans les approches et méthodes des sciences naturelles. Celles-ci reposent en effet, fondamentalement, sur la mise à l’écart au niveau des résultats des facteurs liés à l’observateur. Ainsi, le rite se rattache-t-il, comme l’affirme Luc de Heusch, à la gestuelle en tant qu’elle est une manifestation essentielle, même s’il convient de ne pas exclure la parole. 

C’est ici que se pose la question du changement affectant de l’intérieur les rites et les mythes religieux dans leur interaction avec les structures religieuses de l’Islam à travers les différentes régions du Maroc. Ce changement, l’auteur se propose de l’expliquer selon les principes de l’analyse structurale tels que définis par Claude Lévi-Strauss qui met en avant de façon précise le concept de structure en prenant appui sur les analyses de Ferdinand de Saussure. À côté de cette approche, l’auteur prend en considération certains ajustements et distinctions spécifiques suggérés par Paul Ricoeur : « Le discours signifiant, écrit ce dernier, est interprétation du réel dans la mesure où il dit quelque chose sur quelque chose. Or, s’il y a interprétation c’est que l’expression constitue une appropriation du réel au moyen des formes signifiantes et non pas une soi-disant déduction tirée d’impressions produites par les choses elles-mêmes. » Ainsi le mythe en tant que texte nous dit-il quelque chose en rapport avec quelque chose d’autre, et c’est pour cette raison qu’il ne faut pas en ignorer le contenu, comme le fait Claude Lévi-Strauss. 

Le concept de zaouia a joué un rôle important, notamment pour tout ce qui se rattache à la structure sociale, culturelle, religieuse et politique qui l’a produit. Il est en effet le mode par lequel s’exprime une catégorie sociale à l’intérieur de cette société bien plus que l’expression d’une institution religieuse soufie permanente. Cette thèse est défendue par Mohamed el Mami dans son ouvrage Al Badia (Le Désert) : « La racine de tazawit signifie que la zaouia est lexicalement le coin de la maison, de la mosquée, de la demeure ou de tout lieu similaire. L’emploi a notamment pris le dessus chez les citadins sur les zaouia (coins) de l’école destinée à l’enseignement dès lors qu’étude et prière se sont trouvées réunies, faisant ainsi prévaloir la notion de mosquée sur celle de scolarité, comme on le voit du reste avec la Mosquée d’Al Azhar, où la coutume a opéré ce déplacement métaphorique du lieu d’enseignement vers le lieu de prière. »

Toute Issues