Revue Spécialiséé Trimestrielle

UNE FAçade et des particularitÉs Une lecture sémio-visuelle de quelques échantillons d’espaces traditionnels d’habitation dans le sud tunisien

Issue 45
UNE FAçade et des particularitÉs  Une lecture sémio-visuelle de quelques échantillons  d’espaces traditionnels d’habitation dans le sud tunisien

Dr Zeineb Guendouz. Tunisie

 

Les maisons traditionnelles du Sud tunisien ont constitué, de par la simplicité de leur structure, un moyen d’expression, conçu par le théoricien de l’espace habité en accord avec son identité et ses croyances. On le voit aux signes et significations dont chaque élément de ces productions architecturales est investi, et qui renvoient à des entités matérielles présentées sous la forme de symboles et de signes constituant autant d’éléments d’un système sémique dont la première manifestation est la perception visuelle.

De là vient la question :

  • Comment ces habitations parviennent-elles à réunir ces formes et ces lignes constitutives, ces couleurs et ces ornementations, à travers leurs multiples manifestations, en vue de produire un langage architectural obéissant à des contraintes spécifiques ?
  • Comment nos ancêtres ont-ils inventé des maisons avec des façades conciliant les savoirs techniques, fonctionnels et utilitaires du bâtiment avec les considérations d’ordre visuel, en synthétisant ces deux aspects en une image mentale cohérente de la façade du bâtiment ?

Les multiples compositions que les théoriciens de l’espace habité font porter à l’habitation, de façon générale, et aux façades, de façon particulière, dépassent la réalité matérielle du lieu pour aller vers les signes du lieu. Ces activités, pratiques et formes d’expression non verbales confèrent en effet au lieu des significations plus profondes qui ne cessent de nous questionner autant qu’une matière susceptible d’être interprétée. Barthes considère à cet égard l’espace comme un espace signifiant qui invite à supposer d’autres textualités induisant des manifestations sociales et des pratiques quotidiennes. C’est pour cette raison qu’on peut le considérer comme une entité sémiologique et une donnée sémique dont nous pouvons extrapoler des savoirs sur d’autres réalités.

La face architecturale de la maison ne représente que la partie apparente de l’acte de se loger, dans ses dimensions matérielle, fonctionnelle et symbolique, mais aussi en tant que cet acte renvoie, à travers ses éléments les plus simples, à un système symbolique qui lui donne sa signification. C’est pour cette raison que tout comportement est en soi symbole dès lors qu’il recèle un minimum de représentation emblématique muette. L’habitation dans le contexte d’une société traditionnelle est en soi un champ de comportements symboliques qui naissent et se reproduisent à travers une construction progressant en symbiose avec l’édification de la maison depuis que les fondations en ont été jetées. D’un point de vue sociologique, le bâti touche de façon directe à la vie du groupe, en raison du contenu social de l’espace, et du fait que c’est à travers l’espace que se concrétisent et se révèlent les relations sociales.

Le logement est le trait d’union entre l’individu, la société et les mécanismes d’intégration sociale car le fait de s’installer dans un logement indépendant est dans une large mesure lié à l’institution du mariage avec tout ce que signifie une telle institution, en termes d’appartenance, de fixation et d’engagement. La maison est étroitement liée au cercle de famille : son édification s’inscrit habituellement dans ce cadre et ne peut être tenue pour achevée que si elle répond aux conditions de reconnaissance sociale et morale. 

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