Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE ZÂR AU SOUDAN UN TRAITEMENT PSYCHIQUE POPULAIRE

Issue 43
LE ZÂR AU SOUDAN  UN TRAITEMENT PSYCHIQUE POPULAIRE

Umama Mohammed Alkheir Ukacha

 

Cette étude porte sur le rôle de la médecine populaire au Soudan et sur les nombreux domaines qu’elle couvre : médication au moyen des plantes, chirurgie orthopédique, traitement par incision et saignement, récitation de versets du Coran, etc. Le messîd où l’on enseigne la mémorisation du Livre Saint sous l’égide des cheikhs du soufisme constitue en soi une institution hospitalière polyvalente consacrée au traitement des maladies sociales et psychiques. Les cheikhs du zâr – auquel est consacrée cette enquête qui est en fait une étude de cas – jouent un rôle important dans le traitement des troubles psychiques.

L’homme, faut-il le rappeler ?, est confronté à la maladie depuis son apparition sur terre, et n’a eu, jusqu’au développement de la médecine moderne, d’autre recours que la médecine populaire.  La littérature consacrée à cette pratique montre à cet égard qu’il s’agit d’un patrimoine humain ancestral, fondé sur l’observation naturelle, l’expérimentation et les enseignements tirés des erreurs commises, toutes approches destinées à cerner et à analyser les manifestations du mal. Cette littérature est également riche en valeurs et concepts puisés dans la croyance en des formes de traitement par la spiritualité et la psychologie, à côté des potions à base d’herbes et d’autres produits naturels. L’expérience a permis de fixer les règles de cette pratique et donné à cette médecine ses titres de noblesse. Dans ce domaine, la guérison est tributaire de l’écoute du patient, de la confiance de ce dernier dans les traitements prescrits et de sa profonde adhésion aux protocoles médicaux.

L’homme primitif a toujours attribué ses maux à des forces surnaturelles obscures que nul ne peut appréhender ni vaincre sans l’intervention  des prêtres, des sages et des hommes de religion qui se transmettent de génération en génération des secrets de famille qu’ils conservent jalousement et qui leur confèrent un statut privilégié au sein de la société. Cette caste a su perpétuer l’art d’accompagner les traitements de psalmodies, d’oraisons, de récitations, de musique, de chants religieux.

La médecine populaire au Soudan est l’une des plus riches du monde. Elle est partie des innombrables cultures du pays qui plongent leurs racines dans la nuit des temps, nous faisant remonter aux civilisations qui ont rayonné dans la vallée du Nil, des siècles avant Jésus-Christ. Comme dans les autres pays du continent africain, la médecine moderne est entrée au Soudan avec les débuts de l’ère coloniale, qui a duré de 1898 à 1956. Mais la carte démographique des services de santé montre clairement qu’à ce jour des millions d’hommes et de femmes continuent à recourir à la médecine traditionnelle pour soigner leurs problèmes physiques, psychiques et mentaux. Cette situation s’explique par l’incapacité à accéder aux services modernes de santé. C’est, fondamentalement, pour cette raison que la foi s’est perpétuée dans les guérisseurs populaires qui sont restés attachés à leurs rituels sacrés et à leurs croyances religieuses.

Le zâr soudanais est un rite de guérison lié à des croyances spirituelles qui se sont transmises au long des siècles, et qui continuent d’être vivaces. A ces croyances sont venues se mêler les multiples formes de dialogue et d’interaction culturelle que la région a connues à travers l’histoire. Car aucune frontière, géographique ou autre, n’a jamais dressé de barrière entre les populations du pays et leurs voisins arabes, africains ou européens.

L’auteur termine sur la conclusion que le zâr contribue grandement au traitement des troubles psychiques, dans la mesure où il fonctionne comme un psychodrame social intégral.

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