Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES DANSES ET LES CHANTS BEDOUINS EN TERRE DE CHAM ET LEURS SIGNIFICATIONS

Issue 34
LES DANSES ET LES CHANTS BEDOUINS  EN TERRE DE CHAM ET LEURS SIGNIFICATIONS

Aoudh Saud Aouth

Les danses et les chants bédouins en terre de Cham (Grande Syrie) sont partie de ces arts tels qu’ils sont pratiqués par les bédouins, de façon générale, et témoignent du long travail d’adaptation de ces populations rurales aux dures conditions de vie qui furent les leurs. Le plus probable est que certains de ces chants et danses remontent à des centaines, voire à des milliers d’années, comme le montrent les chansons de la jofra ou du zarif at-toul dont on sait qu’elles furent exécutées par les femmes des tribus de Banu Hîlal.

La question qui se pose en fait, ici, est de savoir si les femmes de ces tribus arabes ont inventé ces deux types de chants ainsi que d’autres ou si ces arts étaient déjà répandus parmi les bédouins, en général. La réponse ici ne peut que relever des hypothèses de travail car il est difficile pour le chercheur en sciences du folklore de déterminer avec précision l’apparition ou le développement d’un art donné. Une seule chose est sûre, c’est que le patrimoine arabe plonge ses racines dans la nuit des temps. Pour prendre un exemple, une chanson telle que Dalla’ouna (Ils nous ont comblé) nous ramène à l’époque des Cananéens et témoigne du lien étroit que cet art a gardé avec les histoires d’amour qui ont fleuri des milliers d’années plus tôt. Un art qui symbolise l’ancienneté et l’authenticité de notre patrimoine et témoigne en soi de l’impossibilité de séparer telle occurrence, tel fragment du patrimoine de ses racines historiques, sous peine de dénaturer les faits.

L’étude par l’auteur de la chanson bédouine et des danses qui accompagnent les réjouissances collectives a été fortement influencée par le contexte politique, religieux, social et économique qui a modelé – de façon positive et/ou négative – le patrimoine. Cérémonies de mariage ou autres festivités, comme celles accompagnant le rite de la circoncision, les vœux aux puissances célestes, le retour de l’absent, la guerre ou la victoire, tout autant que celles liées au deuil et aux traditions mortuaires, et qui ont chacune leurs chants, leurs complaintes spécifiques, portent toutes l’empreinte d’un contexte social et politique qui ne cesse de changer depuis des centaines, peut-être même des milliers d’années.

L’art bédouin se distingue par la longueur des couplets qui épousent les pérégrinations du bédouin. Ce type de chant est le plus ancien de la culture bédouine, il est généralement connu sous le nom de hâgîni (idée d’hybridité). Mais lorsque le bédouin s’est sédentarisé et que ses errances ont diminué, il a chanté le mawwel et la ‘ataba bédouine dont on peut affirmer qu’ils ont coexisté dans le temps, le bédouin chantant le hâgîni lors de ses déplacements, et la ‘ataba lorsqu’il retrouve la stabilité du foyer. La ‘ataba peut être considérée comme l’expression de la douleur et des reproches mais aussi de l’état amoureux et de la vie difficile qui est celle des zones arides.

Le reste des chansons se rapportent à la fin du terhal (les perpétuels départs). On peut citer, ici, la chanson de la dabka qui renvoie à un état de plus grande stabilité, le bédouin inventant ou adaptant, avec la fin du nomadisme, des chansons qui rendent compte de la vie sédentaire, celle de l’éleveur puis de l’agriculteur qui est devenue la sienne. La sédentarisation du bédouin est un vaste sujet. Les sources anciennes nous renseignent de plusieurs façons sur le passage de la vie nomade à celle de la culture de la terre. Le grand historien arabe Ibn Khaldoun dit : « Les bédouins sont plus anciens que les citadins et furent en avance sur eux, la campagne fut à l’origine du ‘umran (la citadinité, la civilisation), et les Etats en sont le prolongement. »

Quant aux danses, l’hypothèse de l’auteur est que celle appelée al lefha (idée de cingler, de produire des accès de fièvre) en est la plus ancienne. Cette danse est en effet répandue dans plusieurs pays arabes ; elle est connue depuis le Golfe arabe et la Presqu’île arabique, au sud, jusqu’à Alep, au nord, et en Irak, à l’est. Elle est rendue de plusieurs façons mais l’origine et l’essence de cet art sont les mêmes. Elle est dansée par des femmes aux cheveux abondants ou aux  longues tresses que l’on voit onduler et cingler (lafaha) l’air de cette belle chevelure.

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