Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE TAPIS MAROCAIN : LES TRADITIONS ARTISANALES FACE AUX DEFIS DE LA MONDIALISATION

Issue 28
LE TAPIS MAROCAIN : LES TRADITIONS ARTISANALES FACE AUX DEFIS  DE LA MONDIALISATION

Le tapis marocain témoigne d’une longue histoire riche de traditions artistiques et de coutumes sociales qui en ont fait plus qu’un simple produit artisanal dans la vie des Marocains. Cela a duré jusqu’à l’apparition des technologies modernes qui a fait que le travail manuel, qui était à la base de la fabrication et impliquait diverses compétences humaines, est devenu production mécanique et système de logiciels, puis accumulation et gestion commerciale de la marchandise.

 

 

Dans ce contexte de transition historique, le tapis marocain (plus connu localement sous son autre nom arabe de zarbia) a su conserver sa splendeur artistique, de carpette tissée à la pointe des doigts – doigts de femme, s’entend, la plupart du temps –, ainsi que son écriture si expressive : forme(s) et thématique(s) ; matériaux, éléments divers entrant dans la composition du produit ; modes de préparation de la matière ; géométrie des modèles.

Comment le tapis marocain a-t-il réussi à assurer sa pérennité ? Comment de simple natte jetée à même le sol pour un usage rudimentaire est-il devenu un objet d’abord utilitaire, ensuite artistique, doté de tout un langage expressif, au coloris chatoyant ? Comment doit-il, à présent, se préparer à affronter les multiples menaces de la mondialisation et à défendre sa survie face aux défis que lui réserve la mondialité des échanges ?

La zarbia marocaine a toujours été liée à la continuité de la société traditionnelle, aussi bien à la ville qu’à la campagne, continuité qui est celle des traditions et de la fidélité aux valeurs sociales et/ou tribales, et en premier lieu au travail collectif, avec cette complémentarité des fonctions qu’exigent le travail de tissage et le parachèvement de cette œuvre qu’est la zarbia. Or, même s’il peut sembler que le passé perdure dans la vie actuelle des gens et dans leurs modes de production, la mutation sociale et la modernisation accélérée des structures sociales et des moyens d’existence supposent aujourd’hui que soient repensées les priorités et les structures relationnelles pour tout ce qui concerne les formes de culture populaire matérielle soumises à la loi de l’échange, et de l’échange mercantile, en particulier. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il faut désormais faire face à l’ouverture des marchés et à l’afflux de produits manufacturés similaires ainsi que de bien des éléments entrant dans la composition de ces produits.

On comprend que la zarbia traditionnelle soit, en tant qu’artisanat et en tant qu’entité répondant à cette appellation, menacée sur le marché dans son existence même et dans sa pérennité, d’abord par le tapis produit par des moyens autres que manuels, ensuite dans sa capacité à conserver ses éléments constitutifs et les matières naturelles qui entrent dans sa composition et à se passer des produits chimiques qui inondent le marché et proposent des alternatives aux matériaux traditionnels, quand bien même ils n’auraient pas la même qualité.

 

Youssef Naouri
Maroc

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