Revue Spécialiséé Trimestrielle

ETUDE COMPAREE DE DEUX CONTES MERVEILLEUX A LA LUMIERE DE LA METHODE PROPPIENNE

Issue 24
ETUDE COMPAREE DE DEUX CONTES MERVEILLEUX A LA LUMIERE DE LA METHODE PROPPIENNE

L’auteur établit dans cette étude un parallèle entre  deux contes merveilleux, l’un d’origine irakienne, La grappe d’or, le second d’origine algérienne, L’oiseau de la passion.

Il rappelle, avant d’entamer cette comparaison, les lignes directrices de la méthode appliquée par Vladimir Propp aux contes merveilleux russes dont il a pu dégager trente-cinq fonctions (ou unités fonctionnelles) présentes dans la plupart de ces contes et se répétant de façon frappante d’un récit à l’autre.

La première fonction proppienne, l’absence du père, est présente dans les deux contes. Celui-ci a quitté la maison : dans La grappe d’or, pour accomplir le pèlerinage de la Mecque ; dans  L’oiseau de la passion, pour acheter les cadeaux de l’Aïd. Il en va de même pour les deuxième et troisième fonctions puisque, ici et là, le père reçoit une mise en garde (de la part du démon dans le conte irakien, de la part de la goule dans le conte algérien) ; dans les deux cas, il transgresse l’interdit en consentant au mariage. Concernant les quatrième, cinquième et sixième fonctions, le rôle du méchant qui suit à la trace sa victime et recueille des informations précises dans le but de l’induire en erreur est assumé par le démon, dans le premier récit, et par la goule, dans le second. On voit, ensuite, avec les septième et huitième fonctions, les héros des deux contes se soumettre à leur destin. Neuvième et dixième fonctions : l’un et l’autre partent en quête d’un bien précieux (personnage du « héros quêteur ») ; ce bien est « la grappe d’or », dans le conte irakien, et la « djebba (djellaba) qui danse toute seule », dans le conte algérien. Onzième fonction : l’héroïne, dans chacun des deux récits, quitte la maison familiale pour une nouvelle demeure. Dans La grappe d’or, c’est le démon qui joue le rôle du « donateur » en ouvrant à la jeune fille les portes de son palais ; le récit algérien suit exactement le même schéma.  L’«objet magique » qui constitue la quatorzième fonction est représenté, dans le conte irakien,  par les clefs du palais qu’obtient l’héroïne ; et, dans le conte algérien, par la lanterne à la lumière de laquelle l’héroïne voit le visage de son mari. Les deux héroïnes se trouvent transportées dans un lieu inconnu, étrange : telle est la 15e fonction. Le combat entre le héros et le méchant est résumé par les fonctions qui vont de 16 à 19 : ce combat a pour but de convaincre le « méchant » – le démon, dans un cas, la goule, dans l’autre – du droit de l’épouse de voir son époux. Les deux femmes se mettent, avec la 20e  fonction, à la recherche de cet époux. Fonction 21 : le rôle du méchant est joué, dans La grappe d’or, par les deux sœurs du héros, l’aînée et sa cadette ; et, dans L’oiseau de la passion, par la mère de ce personnage. Dans le premier conte, l’héroïne réussit à deux reprises à se libérer des deux méchantes en prenant la fuite, ce qui constitue la base des fonctions 22 et 23 ; de la même façon, l’héroïne du deuxième conte déjoue en quatre occasions les pièges de la mère-goule. Les fonctions 24 et 28 sont absentes de nos deux récits puisqu’on n’y rencontre pas de « faux héros ». Présentes dans L’oiseau de la passion où l’héroïne est soumise à des épreuves difficiles qu’elle finit par surmonter pour atteindre son objectif, les fonctions 25, 26 et 27 sont absentes du conte irakien. La fonction 29 annonce la proximité du dénouement dans ce dernier récit : l’héroïne de La grappe d’or paraît en effet dans une bien meilleure situation puisque son mari s’est convaincu de la légitimité de son entreprise, ce qui s’applique parfaitement au mari de Foulfoula dans le récit algérien. Aucun mal n’est fait aux méchantes dans les deux contes, ce qui est la substance de la fonction 30. Pour la 31e et dernière fonction qui est, selon Propp, celle du mariage du héros, les deux récits s’achèvent par ce même message que représente le renouvellement des épousailles entre les deux conjoints.

Sabry Musallam Hammadi
Iraq

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