Revue Spécialiséé Trimestrielle

L’ESPACE DU HAMMAM MAROCAIN LECTURE DE QUELQUES RITES ET COUTUMES

Issue 16
L’ESPACE DU HAMMAM MAROCAIN LECTURE DE QUELQUES RITES ET COUTUMES

Allal  Rakouk(Maroc)

Le hammam fait habituellement partie des traditions arabo-islamiques. Il n’est que de voir le nombre de hammams que comptent les villes islamiques traditionnelles, telle que Bagdad où l’on trouvait plus de 1500 hammams. Compte-tenu des rôles multiples que le hammam jouait,

aux plans social, religieux et cultuel, les autorités de l’Etat lui accordaient une attention toute particulière et l’entouraient de tous les soins. Un mohtasib (contrôleur des finances) veillait, par exemple, sur la propreté de ces espaces publics et surveillait de près leurs employés.

Il en allait de même au Maroc où les hammams avaient connu un essor considérable, notamment dans des villes telle que Fez où trois mille personnes se rendaient quotidiennement dans ces bains publics. Le hammam marocain avait de nombreuses particularités qui le distinguaient de ceux de la Turquie, de la Syrie ou de la Tunisie, qu’il s’agisse de sa conception architecturale, de sa fonction ou des mœurs de ses habitués. Cette institution a cependant connu, l’instar de celles du Machreq, des changements en rapport avec les mutations de l’époque, l’interaction des civilisations et le développement technologique pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui.

L’un des points qui retiennent le chercheur qui tente de cerner les différentes formes et fonctions des hammams est la problématique des sources qui demeurent très rares, même si les études présentent des approches et des hypothèses fort variées. On noter à cet égard que :

a – La plupart de ces études se sont intéressées aux hammams d’un point de vue architectural et urbain. C’est le cas, notamment, de l’ensemble des études consacrées aux sites archéologiques romains, telle celle de Joudin dans son livre : Volubilis.  

b – Ces études n’ont pas appréhendé le hammam en tant qu’espace où se nouaient et se dénouaient les liens sociaux, même s’il était resté soumis au contrôle de l’Etat.

c – On notera l’absence quasi-totale dans ces études de toute typologie des hammams, ainsi que de toute attention à l’évolution des outils et ustensiles ou des rites d’hygiène du corps à l’intérieur de ces espaces multiples et complexes. Il en va de même des us et coutumes des clients…
Ces études se sont globalement concentrées sur quelques problématiques, notamment celles de l’emplacement du hammam au sein de la cité ou de son origine : s’il remonte à l’époque romaine, s’il vient de Turquie, etc.
Le plus souvent, elles font référence aux hammams du Caire ou de Tunis, avec, ici et là, une allusion à ceux de Fez. Ces lacunes académiques pourraient s’expliquer par le peu d’importance accordé par les écrits historiques classiques à cette matière, souvent considérée comme peu probante au regard des « vrais » développements historiques. Cette attitude, nous la récusons dans notre approche qui est fondée sur une vision phénoménologique de l’Histoire conforme à celle des ouvrages historiques les plus récents qui considèrent que tous les sujets, quels qu’en soient l’apparente superficialité ou le caractère « populaire », méritent toute l’attention du chercheur.
Compte-tenu des insuffisances de la matière que nous offrent les sources, le recours aux récits oraux, l’observation et la comparaison des comportements actuels demeurent nécessaires pour toute enquête visant à remonter aux origines de certains rites et coutumes.

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