Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE CONTE POPULAIRE,UN MOYEN POUR COMPRENDRE LA CULTURE POPULAIRE DE LA PALESTINE

Issue 15
LE CONTE POPULAIRE,UN MOYEN POUR COMPRENDRE LA CULTURE POPULAIRE DE LA PALESTINE

omar Al sarissi(Jordanie)

L’auteur part de l’analyse et de l’interprétation de deux contes appartenant aux registres légendaire et populaire pour mettre en évidence les ressorts spirituels de ces récits et saisir, à partir de là, certains contours de la personnalité du Palestinien avec les changements et évolutions qui l’ont affectée.

Premier conte : « Le collier de grenades en or » :
La spécialiste égyptienne, Dr Nabila Ibrahim, a également procédé à l’analyse morphologique de ce conte, dans son ouvrage Nos contes populaires, même si elle souligne que ce conte ne figure pas dans les recueils de contes arabes qui sont en sa possession.
Le lecteur attentif verra dans ce récit le combat de l’homme avec lui-même, quelles que soient les épreuves qu’il connaît dans sa vie. Mais, à côté de cette visée psychologique et humaine, le conte, populaire dans sa conception et son contenu, est destiné à procurer un moment de détente au récepteur.
A – Pour la psychologie, le conte a des significations liées aux épreuves que l’homme – de façon spécifique, ici, l’homme palestinien – doit affronter, tantôt face à lui-même, tantôt face à des forces extérieures. Ces épreuves que subit  le héros du conte populaire constituent probablement l’élément qui captive l’auditoire, à travers le processus d’identification à ce héros.
Quant au personnage de la jeune fille qui porte le nom de « Collier de grenades en or », il nous permet de vivre des expériences humaines de recherche et de réalisation de soi.
B – Pour la fonction sociale, le conte est destiné à nous rappeler le rôle de la femme dans la vie, à travers les thèmes de l’éducation des jeunes filles, du respect de l’épouse, de la valeur du travail (à travers les personnages du marchand de légumes et du marchand de tissus). On y voit également des jeunes filles rêver de chaussures en or. Pour le nom de l’héroïne, « Collier de grenades en or » (mais aussi « cache-col en or »), on y verra sans doute une allusion à la très grande beauté de cette jeune file.
Ces données sociales et spirituelles sont à l’arrière-plan de ce conte qui appartient au patrimoine narratif du peuple palestinien. On y voit se développer et s’épanouir, au sein de la société palestinienne, la personnalité de l’enfant de ce peuple ; on suit le Palestinien dans son combat contre les forces du mal ; on le voit réaliser la plénitude de son être, toujours à la recherche des constantes d’une personnalité équilibrée, aspirant à la maturité et à la quiétude, en dépit des grandes difficultés qui entravent sa marche en avant.
Deuxième conte : « S’opposer au destin »
Il s’agit d’un conte populaire et non d’un récit merveilleux.
Une analyse précise des syntagmes narratifs  révèle deux fonctions : le pari (la question posée est : qui est capable de s’opposer à la loi du destin ?) et l’échec du pari.
La première de ces fonctions tourne autour du thème central du récit dont elle constitue le fil conducteur. La seconde c’est le passage à l’expérience vécue et les efforts déployés pour trouver une réponse à la question posée par la première fonction. Elle constitue l’application scientifique qui révèle clairement la réponse, celle du premier auteur du récit, celle du narrateur qui a pris la relève, celle de l’auditeur et celle du corps social.
Une fois expliquées les péripéties de ce conte populaire et mises en évidence ses fonctions et motivations spirituelles qui sont celles du peuple palestinien qui l’a créée, développée et conservée, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, nous pouvons souligner :
A – la rigueur structurelle du texte : l’un des points essentiels est l’unité du sujet que résume cette question : existe-t-il un être au monde qui soit capable de changer le cours du destin qui relève de la volonté divine ? La réponse est non : nul être, serait-il cet animal mythique appelé la anqa, ne peut rien contre le destin ;
B – les personnages du conte : on notera que le personnage axial est celui de Suleyman al Hakim (le roi Salomon) dont la sagesse est devenue légendaire autant que sa science des chants des oiseaux et son emprise sur les animaux qui lui obéissent au doigt et à l’œil ; ces éléments donnent au thème du récit toute sa force ; on notera également la présence de cet animal mythique, la anqa, qui est capable de prouesses qu’aucun être humain ne peut accomplir ; quant au corbeau et à la chouette, ils symbolisent aux yeux du peuple palestinien le mauvais sort ; ces oiseaux figurent dans ce conte dont l’origine, le contenu et le dénouement sont connus pour donner forme à ces idées d’échec et de défiance face à l’avenir qui tournent dans l’esprit de l’homme palestinien ;
c – le thème du conte : l’imagination populaire a inventé les péripéties du conte en vue d’un seul objectif : la foi dans le destin en tant qu’il traduit la volonté divine ; le conte commence par une question où l’on pourrait suspecter un doute quant à cette volonté et à la capacité des hommes à l’affronter ; mais l’expérience, telle qu’elle se traduit à travers les péripéties du récit, et qui constitue la réponse à la question, est un résumé éloquent des présupposés du conte ; elle commence par une situation de déséquilibre et de doute – pour reprendre la terminologie des spécialistes – et se termine par la certitude qui traduit la position intellectuelle de l’homme du peuple, au sein de la société palestinienne, cet homme qui a foi en Dieu et en la volonté divine.


Toute Issues