Revue Spécialiséé Trimestrielle

Etudier Les Métiers De L’artisanat: Intéret Et Méthodologie

Issue 12
Etudier Les Métiers De L’artisanat: Intéret Et Méthodologie

Ali Bezzi (Liban)

L es métiers de l’artisanat constituent une réalité tout à la fois professionnelle et culturelle. Il s’agit d’un ensemble d’arts et de techniques entrant dans des modes de fabrication différents où l’on part habituellement d’un modèle ancien auquel les artisans apportent, de temps à autre, des modifications.

 Les styles et méthodes de travail ont varié, à travers les époques, au gré de l’évolution des us et coutumes.
Les métiers de l’artisanat font en outre partie de l’héritage populaire, mais pâtissent bien souvent de la rareté des études qui leur sont consacrées ainsi que de certaines négligences, dues à l’absence d’un travail suivi d’enregistrement ou d’archivage. Ces métiers restent pourtant un véritable réservoir aussi bien théorique que pratique des traditions héritées du passé car ils sont la trace vivante de la réalité vécue des hommes. Archiver ce qui en est resté dans la mémoire des hommes, en collectant et en documentant toutes les données disponibles représente à cet égard une tâche nécessaire si nous ne voulons pas retomber dans les erreurs et les négligences de nos prédécesseurs –  tâche d’autant plus urgente que nous sommes aujourd’hui confrontés à une réalité qui ne cesse de changer à une grande vitesse. La collecte et l’archivage des données observées répondent donc à une exigence essentielle pour dater avec précision telle ou telle période de la vie des gens et la fixer à jamais en tant que témoignage sur l’identité d’une société, à travers un des côtés de son développement historique. L’objectif central est, ici, de connaître les aspects essentiels de la réalité de ces métiers, dans leurs dimensions historique, géographique, économique, sociale et culturelle, afin d’en assurer la pérennité, sur la base d’un travail d’enregistrement, d’analyse et de sauvegarde des valeurs dont ces métiers sont porteurs. Un travail d’information s’impose, en outre, auprès du public afin de lui donner une image exacte de l’artisan d’aujourd’hui, tout en réunissant les données sur ce que furent dans le passé les métiers et ceux qui les exerçaient. Un tel travail ne peut qu’enrichir la science, notamment dans le domaine de l’anthropologie culturelle.

Il faut également souligner que les conditions socio-économiques dans lesquelles vit l’artisan ont un impact certain sur la créativité, l’abondance et la qualité de ses productions. S’imposer par l’exceptionnelle réussite de son ouvrage est pour l’artisan un sujet de fierté et un motif d’émulation. Les facteurs extérieurs sont-ils, dès lors, de nature à renforcer son attachement à sa profession et au perfectionnement de son produit ? Certains artisans continuent à exécuter les mêmes formes qu’ils ont héritées de leurs ancêtres, avec les mêmes outils, les mêmes matériaux, selon les mêmes techniques de production qui ont pourtant prouvé leurs limites et leur faible rentabilité.

Il existe aussi des différences entre les métiers. Certains sont proches les uns des autres, les autres très éloignés. La poterie ou la céramique restent souvent confinés dans le milieu familial, alors que la cordonnerie implique, dans beaucoup de cas, le recours à des ouvriers extérieurs à la famille. En fait, la réalité des métiers est liée à la situation générale de l’économie. L’augmentation de la demande exige que d’autres bras viennent s’ajouter au cercle familial pour que les commandes soient honorées dans les délais prescrits. Il y a là, nul doute, un changement quant à la nature même du travail artisanal, ce qui pose la question de la pérennité de la solidarité familiale.

D’autre part, si la poterie, pour prendre un exemple, fournit des ustensiles dont les hommes se servent au quotidien, cela ne veut-il pas dire que la survie, le développement ou la progressive disparition de ce métier sont tributaires des évolutions technologiques qui peuvent, dans bien des cas, mettre sur le marché des ustensiles plus compétitifs. Deux points mériteraient également réflexion. Le premier est de savoir si le système social n’a pas joué un rôle dans le fait que le monde de l’artisanat ne s’est pas doté d’organisations syndicales, de coopératives, de législations ou de cadres organisationnels. Le second concerne l’influence des croyances populaires sur ces métiers traditionnels.

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