Revue Spécialiséé Trimestrielle

REDONNER LEURS LETTRES DE NOBLESSE AUX MARCHES POPULAIRES

Issue 10
REDONNER LEURS LETTRES DE NOBLESSE AUX MARCHES POPULAIRES

Les marchés ont continué à prospérer ; ils ont réussi à conserver leur authenticité, face à toutes ces menaces, dans un contexte aussi difficile que changeant, et ils n’ont rien perdu de leur attrait et de la magie qu’ils exercent sur les populations autochtones autant que sur les résidents étrangers et les touristes de passage. Les uns comme les autres y voient un registre vivant des traditions populaires et des pratiques sociales et économiques, ainsi qu’un ultime refuge de la simplicité et de la spontanéité et une chaleureuse revivification du temps passé. C’est ce qui explique qu’en plus de leur fonction essentielle ces marchés soient devenus un haut lieu du tourisme, jouant, dans ce domaine et dans la dynamique générale de l’économie, un rôle des plus importants.

Les marchés populaires sont en effet un miroir qui reflète une part importante de la mémoire de la vie sociale. Ils nous racontent une culture qui est celle du peuple, faite de simplicité, de tolérance, de proximité et de modestie. Cette culture s’est imposée, en raison même de la nature des rapports et des traditions qui se sont établis entre vendeurs et acheteurs, rapports où le contact direct et personnalisé entre les deux parties évolue toujours vers la pleine satisfaction de l’acheteur, sans que celui-ci soit jamais considéré comme un client de passage mais toujours comme un être que l’on veut connaître en tant que tel et avec qui l’on tient à établir une relation humaine forte. De tels rapports seraient inimaginables dans les grands centres commerciaux où le client a un accès direct à la marchandise, laquelle n’est plus, dès lors, qu’un objet exposé de façon visible, sur un rayon bien précis, sous un numéro tout aussi précis.

Les marchés populaires ne se sont guère soumis aux changements introduits par l’architecture moderne, pas plus qu’ils n’ont été touchés par la prodigieuse expansion urbaine que connaît la région du Golfe ou par la culture de la consommation qui a envahi l’esprit et l’imaginaire des gens, les entraînant fort loin de leur culture ancestrale, de leur histoire et de leur héritage. Ces marchés ont, bien au contraire, conservé les traditions de simplicité qui ont toujours caractérisé les marchands qui y officient, ces hommes et ces femmes qui sont restés fidèles à leur mémoire populaire et à celle du lieu dont ils sont partie, préférant garder les mêmes éléments de décor et continuant à vendre à des prix abordables les mêmes produits du terroir, les mêmes objets traditionnels plutôt que de faire commerce de marchandises étrangères à leur culture ou de se précipiter vers ces quartiers modernes auxquels ils ne peuvent ni ne veulent s’adapter. Même lorsque certains pays ont réussi à reconstruire leurs vieux marchés populaires ou à proposer des solutions novatrices pour inciter ces marchands traditionnels à s’installer dans des espaces modernes, ceux-ci sont restés fidèles à leurs traditions ancestrales d’exposition et de vente. Ils ont insufflé aux nouveaux ensembles architecturaux une âme et une chaleur qui manquent aux grands centres commerciaux.

Partout où ils sont, simples et modestes, ils exposent les marchandises les plus diverses et les plus inattendues : produits d’artisanat, tapis, mobilier, parfums, encens, bibelots, ouvrages d’art, habits, chaussures, livres anciens, photos et images, fruits secs, oiseaux, objets rares ou vieux accessoires… Les marchés populaires continuent aujourd’hui encore à résister, face aux aléas de l’histoire. Ils ont besoin d’être réhabilités et reconnus en tant que tels. Ils sont notre mémoire populaire, et aussi notre culture et notre histoire que nous nous devons de sauvegarder avant qu’elle ne se trouve menacée par l’oubli et la disparition.

La généreuse sollicitude dont Sa Majesté Hamad ibn Aïssa Al Khalifa, Souverain du Royaume de Bahreïn – que Dieu le préserve et le soutienne – entoure, chaque année, le Festival du patrimoine populaire, organisé par le Ministère de la culture et de l’information, témoigne en soi de la place qu’occupe le patrimoine populaire dans la culture nationale bahreïnie. Quant aux directives données par Sa Majesté pour que le thème choisi pour la 18e session de ce Festival, qui se tient du 21 au 29 avril 2010, soit les marchés populaires, elles expriment la conviction d’un grand dirigeant arabe quant à la nécessité de redonner leurs lettres de noblesse aux marchés populaires, à leurs hommes et à leur âme..

La rédaction

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