Revue Spécialiséé Trimestrielle

Les Particularités Culturelles Et Civilisationnelles De L’habit Marocain

Issue 8
Les Particularités Culturelles Et Civilisationnelles De L’habit Marocain

Tous sont attentifs aux moindres détails de l’habit : le tissage, la couleur, la forme, la coupe, la couture, etc., qu’ils mettent en rapport profond avec l’esprit et les traditions les plus vivaces de l’époque. L’habit est le miroir de la réalité, des évolutions et du niveau de vie d’une société… La couleur et la forme des habits autant que les matériaux utilisés dans leur fabrication sont déterminés par les deux espaces, culturel et géographique. »1 On peut s’en convaincre en examinant les différences vestimentaires qui existent entre les peuples, à l’échelle locale et nationale, et qui ne sont pas seulement le fruit du hasard mais relèvent d’une vision artistique reflétant les spécificités culturelles et civilisationnelles qui définissent l’appartenance nationale.

Des savants marocains ont oeuvré à documenter les habits du pays et à en répertorier les particularités. Citons Abou Abdallah Mohamed Al Wajdi, natif de Fès, qui a écrit Tamimatu al albab wa ratimatu al adab (La suprême intelligence et la mémoire des lettres) où il étudie plus de deux cents types d’habits, certains anciens, d’autres contemporains ; malheureusement, cet ouvrage de grand intérêt est perdu.2 El Hassan El Wazzan décrit l’habit féminin du Maroc, en ces termes : « Les femmes portent de très belles tenues, mais elles ne mettent, par temps de canicule, que des chemises serrées à certains endroits du corps qui manquent aux règles de l’esthétique. L’hiver, elles se drapent dans des vêtements aux manches évasées dont les coutures sont à l’avant, à l’instar des vêtements masculins. Pour les sorties, elles mettent de longs sarouals qui dissimulent entièrement leurs jambes et un voile qui leur couvre le visage ainsi que le reste du corps. Le visage disparaît également derrière une voilette qui ne laisse paraître que les yeux. Leurs oreilles s’ornent de boucles en or serties de magnifiques pierres précieuses, et des bracelets, en or également, pendent à chacun de leurs bras

dont le poids peut atteindre 350 grammes. Les femmes du peuple mettent, par contre, des bracelets en argent et leurs chevilles s’ornent de lourds bracelets que l’on appelle khalakhels. Un décret obligea les habitants de la ville de Fès, hommes et femmes, à porter le saroual qui ne faisait pas partie de leurs traditions vestimentaires.

distinguer les différents corps de métier a imposé à chacun de ces corps un habit spécifique qui en est devenu inséparable. C’est ce que relève El Hassan El Wazzan (I siècle de l’Hégire) qui évoque le corps des portefaix, en ces termes : « ils devaient pour leur travail porter un vêtement court, d’une seule et même couleur, mais pouvaient, en dehors des heures de travail, mettre ce qu’ils voulaient. »3 Un des éléments qui confirment le lien entre le vêtement et la personnalité marocaine, avec ses spécificités culturelles et civilisationnelles, est le dépassement des considérations religieuses : ainsi, nous avons constaté que les Juifs marocains portaient les mêmes habits que leurs concitoyens musulmans, « kisae », « burnous », « tchamir », etc. De même, le vêtement de la Juive marocaine ne différait pas de celui des autres femmes du pays, qu’il s’agisse, par exemple, de l’« îzar », du « haïk », du « tchamir » ou de la « dra’a », etc.

chacun de ces habits correspondant à une tradition locale.4 C’est cela qui a véritablement constitué le socle unitaire des spécificités vestimentaires du Maroc, tant au plan culturel que civilisationnel, socle qui transcende les différences religieuses et concrétise l’attachement proprement identitaire au pays, sur la base des valeurs esthétiques reçues en partage, de l’amitié, de l’égalité, de la foi en l’homme et en l’unité humaine qui subsume la diversité et la multiplicité.

Husseïn El Idrissi (Maroc)

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