Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE DRESSAGE DES CHAMEAUX

Issue 8
LE DRESSAGE DES CHAMEAUX

Le dompteur s’arme de cordes solides pour apprivoiser la jeune chamelle ; il en fait des courroies et des entraves. Il adapte la courroie à la taille de la tête de l’animal, puis il allume un feu où il met à chauffer une sorte de piquoir en fer ; lorsque celui-ci a bien rougi, il s’en sert pour transpercer le nez de la chamelle avant d’introduire dans la cavité ainsi ouverte un fil fait de poils tressés qu’il noue à ses deux extrémités ; ce fil sera ultérieurement remplacé par un anneau en fer qui permettra de fixer l’anneau en crin qui sera introduit dans les narines de l’animal. Quelques jours après que la brûlure a guéri, le dompteur fait entrer la tête de la jeune chamelle dans la courroie dont il se sert pour la faire avancer. Cet exercice se fait avec d’autant plus de difficulté que la bête ne s’est pas encore habituée au port de la courroie, si bien qu’elle ne cesse de secouer la tête, essayant de se libérer de cette courroie qui lui enserre pour la première fois le crâne.

Le dompteur la conduit ensuite dans une vallée déserte. Il attache un rondin à l’autre bout de la courroie et creuse dans la terre un trou de la profondeur de son bras ; le rondin est enfoncé dans le trou que l’homme va combler avec de la terre, tout en continuant à tenir le bout de la courroie ; il s’emploie ensuite à tasser la terre du pied et ne s’arrête que, lorsque tirant sur la corde vers le haut, il peut s’assurer que la jeune chamelle ne pourra arracher le rondin.

Il doit alors de loin la surveiller afin qu’elle ne casse pas la corde, qu’elle ne s’y empêtre ou encore qu’elle ne se brise pas une patte. L’animal reste attaché une journée entière à son rondin et le dompteur revient le chercher que le lendemain matin – il doit être le seul à le prendre en charge, pendant la phase de dressage, afin qu’il s’habitue à exécuter ses ordres – ; il trouve alors la jeune chamelle, encore debout, tournant autour de son point d’attache et secouant fortement la tête pour tenter de se libérer de cette corde qui, pour la première fois dans sa jeune existence, la fixe à la terre, alors qu’elle avait vécu jusque-là, libre de toute entrave.

L’animal en phase de dressage ne goûtera pas, de toute la semaine, à la moindre nourriture, le dompteur se contentant juste de relâcher pour un moment l’attache, afin de lui permettre de mieux respirer. Au terme de cette semaine, l’homme ramène la chamelle, affamée et recrue, en la tirant avec la corde qui est au bout de la courroie, tandis que son aide a toute latitude de lui administrer des coups de bâton par derrière si elle refuse d’avancer. Il lui fixe ensuite une bride en fibre de palme, et lui place en haut de sa bosse un coussin qu’il attache avec des sangles et une ceinture. Il coupe alors un sac en son milieu, sous la forme d’une paire de sacoches, et fixe sur le bord supérieur de chaque oeil de la chamelle une anse au moyen de deux petites pierres sur lesquelles il rabat l’extrémité de la sacoche qu’il réunit avec la corde de l’anse. Il ne lui reste plus, dès lors, qu’à mettre les deux demis sacs au-dessus du coussin qui fait office de selle sur le dos de l’animal.

Le dompteur peut craindre que la

chamelle dont il est en charge n’obéisse pas lorsqu’il lui fait signe de s’accroupir ou de se lever, car si elle échappe à son autorité il lui devient difficile de la soumettre dans l’immédiat à un nouveau processus de dressage et il lui faudra alors attendre l’année prochaine, sachant qu’avec l’arrivée de l’hiver, l’animal, insuffisamment domestiqué, se trouve livré à lui-même, et redevient indiscipliné. C’est pour cette raison que le dressage doit être confié à un dompteur inflexible.

Au terme de l’expérience, un test des plus ardus attend l’animal. L’homme le conduit, en effet, vers une vallée profonde, loin de tout être vivant ; il le fait asseoir, lui entrave les pattes et, saisissant un fusil, tire plusieurs coups de feu par-dessus son cou tout en posant son pied sur son genou. Apeurée, la chamelle baisse la tête, l’homme monte alors sur son dos et, tout en la faisant avancer, se met à tirer des coups de feu par-dessus sa tête sans qu’elle ne se cabre, tandis que des filets d’urine se mettent à couler le long de ses jambes. C’est à ce moment-là que l’homme peut se dire qu’il a mené à bien sa mission.

Abd al Karim Aïd Al Hashash (Syrie)

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