LE RENOUVEAU DE LA MUSIQUE PATRIMONIALE EN TUNISIE ENTRE LES STRATÉGIES DE MARKETING MUSICAL ET LA PRÉSERVATION DE L’IDENTITÉ CULTURELLE
Issue 55
Moez El Kéfi
Tunisie
Les modes de renouvellement de la musique ancestrale ou patrimoniale sont multiples, ils varient entre conservation de l’identité de la chanson et changement partiel ou transformation globale. Le plus souvent, l’auditeur ne se rend pas compte de ces modifications et se contente de louer les exécutants pour ce retour et cet effort de sauvegarde de l’héritage. Telles sont les considérations qui ont amené l’auteur de cette étude à se pencher sur certaines de ces pratiques afin que ne s’affaiblisse pas l’identité des chansons patrimoniales par le mauvais usage qui est fait des énormes technologies que fournit l’industrie musicale contemporaine, laquelle est le plus souvent mise au service de l’amplification de l’image de l’exécutant au détriment de la chanson. En général, les bases de l’identité de la chanson tiennent entre le travail artistique en tant que tel et l’image sous laquelle il est présenté :
- La chanson : la plupart des chanteurs se contentent de quelques passages de la chanson initiale afin de ne pas dépasser les cinq minutes qui représentent la durée habituelle des productions musicales modernes. Les exécutants conservent généralement le texte littéraire original ainsi que les principaux fondements du « texte » musical (strophes, rythme, phrases mélodiques), mais la performance se fonde le plus souvent sur des instruments modernes qui prennent le dessus sur les instruments populaires qui font ressortir le caractère culturel de la chanson. Le produit musical reste en général lié au travail musical original qui est rarement modifié en totalité.
- L’image : sur la scène artistique, ce sont en général les jeunes artistes qui recourent à la chanson patrimoniale filmée, le clip vidéo étant le plus souvent destiné à propager de la façon la plus expressive l’image de l’exécutant davantage que la chanson elle-même. Cette optique vient confirmer le fait que le renouvellement du patrimoine chanté n’est pas le but essentiel du réenregistrement, et que ce travail ne vise guère plus qu’à faire connaître au moindre coût le chanteur. Par contre, l’identité de la chanson est mise en valeur grâce aux lieux du tournage, aux décors, aux accessoires et, souvent, aux danses qui accompagnent la musique. Si l’image contribue avec succès à attirer un nombre important d’auditeurs, à l’échelon du pays et du monde arabe, elle ne joue pas un rôle essentiel quant au renforcement de l’identité culturelle de la chanson patrimoniale.
Cette chanson appartient au patrimoine cultuel collectif qu’il n’est pas permis de modifier et de transformer à des fins de marketing personnel. En contrepartie, le renouvellement des chansons du patrimoine ne signifie pas la réduplication littérale de l’œuvre originale, mais un effort propre à faire apparaître les spécificités vocales et instrumentales dans une forme moderne, sans que le texte littéraire ou musical ne soit pour autant altéré. En outre, l’image et les autres techniques de marketing doivent être entièrement dévolues à la consolidation de l’identité de la chanson à travers un scénario clair, transposant le sens du texte et illustrant les passages qui peuvent paraître nébuleux à certains auditeurs. Décors, accessoires et danses peuvent en effet ne pas suffire à faire connaître pleinement cette identité.