Revue Spécialiséé Trimestrielle

L’IMPACT DE LA CROYANCE RELIGIEUSE SUR LE PATRIMOINE CULTUREL NARRATIF OMANAIS

Issue 52
L’IMPACT DE LA CROYANCE RELIGIEUSE  SUR LE PATRIMOINE CULTUREL NARRATIF OMANAIS

Syma Isa

Le récit populaire se fonde, à l’instar de n’importe quelle autre œuvre de création, sur l’imagination, laquelle trouve un terrain fertile dans les croyances religieuses et morales qui se sont accumulées sur de longues périodes dans la mémoire collective de chaque peuple. C’est là en effet que l’imagination puise son inspiration, surtout lorsque l’homme essaie d’expliquer des événements surprenants et mystérieux comme les épidémies ou la mort mais aussi les formations montagneuses qui présentent un aspect étrange. Elle puise également dans les croyances religieuses, en particulier celles qui remontent aux premiers âges pendant lesquels l’homme a pris conscience de lui-même et tenté de comprendre son existence et la place qui est la sienne dans l’univers. 

Dans l’ancienne société maritime omanaise, sur ces côtes où l’implantation humaine remonte à 3400 ans avant J-C, les populations de l’époque qui étaient confrontées aux tumultes et périls de l’océan étaient persuadées que l’homme se transformait après sa mort en tortue. C’est ce qu’a révélé la découverte des tombeaux marins de Ras al Hamra, à Mascate, dont les vestiges ont été explorés par la mission archéologique italienne au cours des années 80 du siècle dernier et où l’on voit les squelettes des défunts placés en position de tortues. Les deux auteurs de l’Encyclopédie À l’ombre des ancêtres : les fondements de la civilisation omanaise, feu Sergio Clausio et feu Maurizio Tozzi, déclarent : « Les tortues continuent à occuper une place importante dans les légendes qui ont cours dans certaines sociétés de pêcheurs vivant sur les côtes de l’Inde bordées par l’Océan indien. Les habitants de ces régions les considèrent comme les ancêtres des marins, voire, dans certains cas, comme d’anciens marins. Un auteur grec rapporte que les mangeurs de poissons qui se sont établis sur les côtes d’Arabie prétendaient que leurs ancêtres étaient eux-mêmes des poissons. Nous pouvons affirmer que les tortues ont joué ce rôle au cours du quatrième millénaire avant J.C. Les traces de poissons ainsi que l’orientation donnée à ces sépultures montrent que le promontoire de Ras al Hamra était habité six mois par an, en automne et en hiver, de chaque année. »

[…] L’influence des croyances religieuses s’est perpétuée jusqu’à l’époque où étaient apparues à Oman les premières religions révélées, et en particulier la religion judaïque. C’est dans la province d’Izki que se rencontrent les plus anciennes implantations agraires à l’intérieur d’Oman, telle la caverne de Jernan, (Jernan étant l’ancien nom d’Izki), laquelle n’a jamais été explorée par quiconque jusqu’en ses ultimes profondeurs. La croyance populaire affirme que c’est à l’intérieur de cette caverne que se cache le veau d’or qui fut adoré par les anciens Hébreux avant qu’ils ne croient finalement en Dieu à l’appel de son Prophète, Moïse. Cette croyance était naturellement associée à de nombreux récits populaires qui relevaient d’une ancienne historisation de la mémoire judaïque à Oman, où il apparaît que l’événement le plus important est la visite effectuée sur son chemin vers la reine de Saba par le Prophète Salomon fils de David à la ville de Salout.

Diverses études ont été consacrées à ce récit, au vu de l’importance de cette rencontre dans son rapport avec les débuts de l’instauration de la société agraire à Oman, dont les plus connues sont celles de l’historien britannique John Wilkinson et du chercheur omanais Cheikh Khamis al Adaoui qui ont donné lieu à des interprétations divergentes. À cela il faut ajouter les fouilles effectuées par les missions archéologiques dans les ruines de la ville antique de Samahrem qui ont permis de découvrir les temples et les sculptures que nous ont légués les zélateurs de la lune Sin, le Dieu sémite qu’adorèrent dans les temps anciens les peuples du sud de la Péninsule arabique avant de croire aux religions révélées successives. Ces peuples adorèrent ensuite Inana, la fille du Dieu Sin, un culte dont les échos retentissent encore dans le chant des bergers des Monts du Dhofar. 

L’auteur se propose dans une prochaine étude d’analyser en détail les récits d’origine religieuse judaïque et d’examiner les diverses lectures qui en ont été faites.

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