Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES DANSES AFROYEMENITES ETUDE SUR L’AFRICANITE MUSICALE DU YEMEN

Issue 5
LES DANSES AFROYEMENITES ETUDE SUR L’AFRICANITE MUSICALE DU YEMEN

E lle a tout naturellement constitué un véritable pont à travers lequel passaient, dans les deux sens, les multiples influences culturelles, et notamment des formes artistiques telles que la musique, la danse ou la chanson. Il ne faut pas non plus négliger le rôle de la traite des esclaves, en tant qu’elle constituait une sorte d’activité économique autonome qui s’est perpétuée jusqu’au vingtième siècle et a pris fin lorsque la colonisation britannique à Aden a commencé à mener des campagnes contre cette pratique. Peut-être les chercheurs en anthromusicologie parviendront-ils un jour à tracer un panorama complet de cette interaction culturelle entre les deux rives de l’Arabie et de l’Afrique noire qui puisse nous présenter une vision exhaustive, fondée tout à la fois sur des études approfondies menées sur le terrain et sur les avancées les plus récentes de l’anthromusicologie.

De nombreuses études sur les danses afroarabes de la région du Golfe, y compris le sud de l’Irak, ont été entreprises depuis les années soixante du siècle dernier par des chercheurs locaux ainsi que par des spécialistes arabes et orientalistes. En outre, les grands livres du patrimoine arabe font en général état de ce lien étroit entre les Arabes et les peuples d’Afrique noire. On y trouve, en particulier, des témoignages qui montrent que le Prophète Mohamed – que la Paix et la Prière soient sur lui – connaissait la passion naturelle des populations africaines pour la danse, et nul n’ignore les relations qu’il avait entretenues avec l’Ethiopie dont il appréciait les arts, notamment la danse.

Dr Mohamed Abdulmagid Abidine souligne dans son ouvrage Les Arabes et l’Ethiopie que les populations du Hijaz ont emprunté à l’Abyssinie la danse du ‘hâjal, ce qui est la preuve de l’ancienneté de l’apparition des arts nègres dans la région de la Presqu’île arabique. Dr Nasser-eddine Al Assad note, pour sa part, dans son ouvrage Les Qaïnas et la chanson à l’époque antéislamique, que la chanteuse appelée qaïna tient son nom de qanîn qui désignait le tambour chez les Abyssins. Citons également, dans ce cadre, cette idée originale formulée par le chercheur soudanais Badreddine Abdurrazak, à l’occasion d’une conférence donnée à Sanaa en 1990, selon laquelle le tambour des Abyssins était connu, au temps du Prophète – que la Paix et la Prière soient sur lui – et que Bilal (compagnon du Prophète qui fut le premier à être chargé de l’appel à la prière) jouait de cet instrument et était surnommé Abou Attanabir (pluriel arabe de tambour) et Abou Sanajek (pluriel de sanjek, instrument de percussion).

Le même conférencier ajoute que le Prophète aurait demandé à Bilal la raison de son attachement à ces deux instruments de musique, aussi bien avant qu’après son entrée en Islam, et que Bilal aurait répondu que ces instruments lui rappelaient l’heure de la prière, si bien que le Prophète ne les lui aurait pas interdits. Le chercheur affirme que la totalité des communautés d’origine africaine du Yémen ont perdu toute attache avec les religions animistes ou païennes du continent noir et se sont complètement yéménisées.

On peut donc estimer en toute logique que les arts ancestraux qui constituent aujourd’hui leur patrimoine ont subi divers ajouts et soustractions, conformément à ce que nous apprend l’anthropologie qui pose que toute civilisation qui adopte des formes culturelles venant de l’extérieur procèdent à une reproduction de ces formes qu’elles revêtent d’habits nouveaux et enrichissent de divers apports, de manière à intégrer, en définitive, totalement ces fromes allogènes à leur propre environnement culturel et à les adapter au nouveau milieu social dans lequel elles ont été introduites. L’auteur donne ensuite une description détaillée des instruments de musique, s’arrête sur les noms donnés aux différentes danses et explique les changements survenus, au gré des déplacements, d’une région à l’autre, au niveau de l’exécution, des rythmes et des performances sonores. L’étude se réfère également à de nombreuses sources qui traitent des évolutions et des adaptations de ces formes de culture populaire, soulignant notamment que l’orientaliste autrichienne Gabriela Braun a relevé des empreintes de la tradition yéménite dans le muachchâh (poème chanté) andalou.

L’étude comporte en annexe des références importantes qui constituent autant de pistes pour les spécialistes qui s’intéressent à l’histoire et aux structures de la musique et de la danse du Yémen ainsi qu’à leur interaction avec leur environnement géographique et culturel.

Nizar Mohamed Abduh Ghanem - YEMEN

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