LA MEDECINE POPULAIRE CHEZ LES MUSULMANS DANS L’ETAT DU KERALA, EN INDE
Issue 47
Dr. Mohamed Ali el Ouafi Krwatl
Chercheur et universitaire indien
Les anciens ulémas du Kerala avaient une connaissance approfondie de la médecine populaire et des protocoles de médication. Il en allait de même pour la caste des sayid (maîtres, seigneurs) qui soignaient les gens au moyen de la médecine prophétique, par la citation des noms de Dieu et par la prédication. Les gens ordinaires s’adressaient en effet à ces hommes de savoir pour leur santé aussi bien que pour les questions en rapport avec la foi. On recherchait auprès des ulémas et des sayid des solutions aux problèmes de santé physique aussi bien que mentale. Quant à ces hommes de savoir, ils se fondaient sur une médecine populaire dont ils avaient hérité les secrets de leurs pères et de leurs ancêtres mais qu’ils avaient également apprise dans les ouvrages de médecine populaire ou chez les Grecs. Certains ulémas se fondaient aussi sur des connaissances provenant de la tradition persane, comme celles des noms et des talismans. Ils croyaient que ces pratiques médicales étaient purement musulmanes.
Nul doute que les musulmans du Kerala ne furent guidés par leurs études religieuses, leurs expériences quotidiennes et les rudes conditions d’existence qui étaient les leurs et qui les amenèrent à inventer certaines formes de savoir médical afin de se prémunir contre les maladies. Ils surent ainsi proposer des approches et des recommandations de grande valeur en matière de médecine préventive. Ils ont consigné dans leurs ouvrages des connaissances dans le domaine médical aussi importantes que celles qu’ils nous ont laissées sur d’autres sciences. Mais seuls nous sont parvenus quelques rares vestiges de ce patrimoine, consignés pour la plupart dans le dialecte local de Malabar et, dans certains cas, en arabe littéral. Il n’en reste pas moins que ce legs porte le clair témoignage de la compétence, de l’inventivité et de l’excellence des savants musulmans dans le domaine sciences médicales, malgré les faibles moyens de diagnostic et des formes primitives de guérison dont ils disposaient à leur époque.
Le seul problème auquel fût confrontée la médecine populaire dans la région de Malabar est l’absence de processus d’expérimentation scientifique aussi étendus que ceux que la médecine moderne a connus. Ainsi les traitements et les pharmacopées ne furent-ils pas testés sur les animaux avant d’être administrés aux humains. De même, certaines techniques et méthodes ne firent-elles pas l’objet d’un enseignement officiel, mais passèrent par transmission héréditaire d’une génération d’ulémas et de sayid du Kerala à l’autre.