Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DANS LES OASIS MAROCAINES, ENTRE DEGRADATION ET EFFORTS DE RESTAURATION Le cas des oasis du Tafilelt

Issue 42
LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DANS LES OASIS MAROCAINES,  ENTRE DEGRADATION ET EFFORTS DE RESTAURATION  Le cas des oasis du Tafilelt

  Abdelaziz Bouyahyaoui

 

Les oasis du Tafilelt recèlent un patrimoine architectural d’importance qui témoigne du cachet local ainsi que de la culture et de l’histoire séculaires de cette région du Maroc, tout autant que de l’expérience et de l’habileté des oasiens et des liens de solidarité qui les unissent.

Pour l’essentiel, ce patrimoine est constitué d’un ensemble de ksours (forts) et de casbahs, en plus des quelques vestiges de la ville historique de Sijilmassa. La plupart de ces sites ont été laissés à l’abandon et ont périclité, faute d’entretien et de travaux de restauration. La dislocation de la structure sociale et démographique y a également contribué, ce qui fait qu’un grand nombre de constructions ont disparu tandis que d’autres se trouvent partiellement ou totalement menacées d’effondrement, lorsqu’elles ne sont pas tout simplement remplacées par des constructions en béton sans rapport avec les édifices traditionnels.

Au cours des dernières années, un ensemble d’institutions officielles en charge de l’habitat, de la culture et du développement local, à commencer par le Ministère de la culture et la Direction des bâtiments, sont intervenues pour restaurer les ksours et les casbahs, Elles ont été soutenues par des organisations internationales ainsi que par divers programmes, tel que le Programme des oasis du Tafilelt. Mais ces actions demeurent, dans l’ensemble, sélectives et peu étendues au regard de la valeur et de l’importance de ce patrimoine qui fut longtemps et reste encore une belle illustration d’un habitat oasien qui pourrait constituer la base d’un développement local fondé sur l’ancienneté de ce legs du passé et son adaptation à l’environnement.

Tout en soulignant les efforts consentis par un ensemble d’intervenants officiels pour réhabiliter les ksours et les casbahs du Tafilelt – mais aussi l’absence de toute action en faveur du reste des vestiges du site historique de Sijilmassa –, on ne peut que constater que ces initiatives restent très limitées en comparaison du patrimoine architectural dont s’enorgueillit la région, surtout quand on sait que, plus que jamais, ce patrimoine continue à se dégrader sur une large échelle, tant au vu des fonctions qui furent sa raison d’être que de ses caractéristiques architecturales étroitement liées aux conditions physiques du milieu oasien.

Une telle situation impose la mise en œuvre d’une stratégie claire et réaliste pour sauver de la déperdition un  héritage historique unique en son genre, pour le restaurer, le populariser et en faire une ressource majeure à exploiter pour le plus grand bien de la région. Mais cette opération de réhabilitation du patrimoine architectural du Tafilelt doit se fonder sur une vision globale qui prenne en considération les spécificités de l’environnement local sans pour autant négliger les influences extérieures qui s’imposent avec acuité, chaque jour davantage. Et cela ne peut se faire que si les ksours et les casbahs deviennent des espaces adaptés à la vie moderne et suffisamment attractifs pour sédentariser la population, tout au contraire de ce produit touristique qui nous a amenés à restaurer de façon sélective certains sites, tout en pleurant la perte d’autres pans d’un patrimoine abandonné, voué à l’oubli et nié en tout ce qui fait sa grandeur historique.

 

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