Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE PROJET DE DOCUMENTATION DU PATRIMOINE POPULAIRE DANS LES SOURCES ARABES

Issue 39
LE PROJET DE DOCUMENTATION DU PATRIMOINE POPULAIRE DANS LES SOURCES ARABES

Pr. Dr. Ahmed Gad

La problématique de la documentation des éléments du patrimoine populaire figurant dans les sources arabes continue à occuper les milieux scientifiques travaillant à l’étude et à la documentation de la culture populaire arabe.  L’auteur parle de problématique car il s’agit d’un projet qui n’a pu, à ce jour, être réalisé, pas plus d’ailleurs que bien d’autres projets, tels que les ‘’archives du folklore régional’’ ou ‘’les portails du patrimoine populaire’’ qui ne sont toujours pas disponibles pour répondre aux besoins du citoyen arabe avide de connaître l’histoire de sa culture et les fondements de son identité populaire. Nous n’avons toutefois pas perdu tout espoir. Nous continuons à appeler à resserrer les rangs autour d’un projet arabe de documentation de la culture et du patrimoine de la région, et à mettre en œuvre un projet unifié pour que soient rassemblés les efforts déployés dans cette direction.

L’examen des sources arabes est, nul doute, révélateur de la richesse de leur contenu et de la multiplicité de sujets traités. Les Arabes musulmans nous ont en effet légué un trésor inépuisable d’écrits qui ont traité de la totalité des arts et des sciences qui ont enrichi la culture arabe, au cours des différentes périodes de son histoire. Il s’y ajoute la matière patrimoniale que les Arabes ont consignée sans que les auteurs des ouvrages où elle figure se fussent rendu compte qu’ils enregistraient pour la postérité divers aspects de la vie du peuple, dans la région arabe.

La méthode adoptée pour documenter les éléments du patrimoine tels qu’ils sont consignés dans les sources arabes ouvre la voie à la réalisation de nombreux objectifs dont l’étude de la dimension historique du patrimoine populaire, son aire de diffusion et les changements qui l’ont affecté par rapport à ce qui existe actuellement. Elle permet même, dans certains cas, d’en expliquer les tenants et aboutissants. Nous pouvons ainsi suivre l’évolution des éléments de ce patrimoine qui sont restés jusqu’ici vivaces, l’analyse théorique offrant la possibilité de comparer ces éléments avec ce qui est collecté sur le terrain. La même approche permet également de faire l’inventaire des éléments de ce patrimoine qui ont subi des changements, au plan de la forme ou du contenu, mais aussi, pour terminer, de jeter la lumière sur les éléments qui ont existé à telle ou telle époque mais qui ont disparu.

L’auteur souligne qu’il ne s’agit pas à ses yeux de documenter et de publier  chaque source arabe à part, comme cela a été le cas pour les précédentes tentatives, mais de documenter les éléments relevant de ce patrimoine en les collectant et en les classant par thèmes. Pour prendre un exemple, chaque fois que l’on rencontre un élément lié au thème de l’‘’optimisme’’ ou du ‘’pessimisme’’, toutes les matières liées à ce thème qui auront été collectées dans les sources seront regroupées par ordre chronologique sous cette rubrique. On pourra de la sorte connaître les récits rapportés par Ibn Quteyba, Al Mass’udî, Ad-Damîri, Ibn Al Athîr, etc. sur l’’’optimisme’’, chacun de ces auteurs représentant une étape historique et une aire géographique bien déterminées. On pourra aussi, à partir de là, découvrir la culture populaire liée à ce thème, telle qu’elle apparaît dans le contexte arabe, aux différentes époques.

Nous avons plus que jamais besoin de regrouper les efforts déployés en vue de documenter le patrimoine populaire dans les sources arabes. Ces efforts ont été, sans doute, nourris par des idées et des approches variées concernant la méthodologie de la documentation. L’immensité des sources a fait des tentatives de documentation un effort complexe qui exige un travail collectif et institutionnalisé. Mais le cadre institutionnel nécessaire est resté lacunaire, si bien que les tâches accomplies jusqu’ici en matière de documentation du patrimoine populaire arabe ont simplement consisté en des initiatives individuelles dispersées qui attendent d’être regroupées en un projet unificateur.

La situation exige dès lors l’élaboration d’un plan arabe bien étudié afin de mettre en place une base de données de ce patrimoine qui soit diffusée dans tous les pays arabes, et, en même temps, la documentation des matières populaires similaires qui ont continué à exister jusqu’à nos jours. Ainsi pourrons-nous récupérer dans le même mouvement les œuvres du patrimoine et celles du présent.

Peut-être le Thesaurus du folklore arabe auquel nous travaillons actuellement pourra-t-il devenir le réceptacle scientifique qui accueillera toutes ces données qui se compteront, assurément, non pas par milliers mais par millions. L’entreprise aura besoin d’un effort exceptionnel, commençant par l’inventaire des sources et leur documentation bibliographique, passant à la répartition des matières entre les chercheurs, à l’enclenchement des processus d’extraction des données qui seront ensuite documentées et classées, à l’étape de l’élaboration de la base de données, à celle de l’intégration des données patrimoniales, ensuite à celles qui ont été collectées sur le terrain, puis aux matières photographiées, enregistrées, filmées par vidéo, etc.

Nous croyons que le moment est, aujourd’hui, venu de documenter le patrimoine dans les sources arabes, car nous disposons à présent de moyens, de techniques et de compétences arabes bien entraînées qui ont la capacité de mener à bien cette mission importante.

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