Revue Spécialiséé Trimestrielle

L’ART DU MALOUF A TESTOUR UN PATRIMOINE POPULAIRE AVEC DES TRADITIONS ORALES

Issue 35
L’ART DU MALOUF A TESTOUR UN PATRIMOINE POPULAIRE AVEC DES TRADITIONS ORALES

Wajdi Alila
Tunisie

L’héritage musical tunisien constitue un fonds d’une densité et d’une richesse telles qu’il ne cesse de susciter la curiosité et la passion d’un nombre toujours plus important de chercheurs et de spécialistes qui viennent s’y abreuver et se nourrir de ses enseignements. Les études se sont multipliées sur les origines et les particularités littéraires et musicales de cet art. En effet, le malouf représente, en Tunisie, une part importante de ce patrimoine musical qui s’est constitué pendant des siècles, grâce à l’apport de musiciens anonymes et dont les œuvres ont été transmises oralement d’une génération à l’autre. Mais cet art a connu bien des changements et modifications qui font qu’on en trouve dans certaines régions du pays des versions aussi variées que nombreuses.


L’étude porte sur l’une de ces versions, celle de Testour, dont les particularités techniques ont incité l’auteur à mener une enquête approfondie sur sa matière littéraire et musicale.
La ville de Testour (centre nord de la Tunisie) s’est distinguée par la conservation de son héritage musical andalou, généralement connu sous le nom de malouf. La région a fini par avoir sa propre version de ce patrimoine artistique, elle s’est dotée d’un style particulier où le chant est accompagné d’instruments rythmiques comme le tar (tambourin) et les nagharat (percussions) ce qui le rapproche du malouf chachteri qui est considéré comme un chant soufi.
Nul doute que l’existence dans la région de Testour du malouf dans sa version actuelle n’ait résulté de la transmission orale de cet art, sur de longues périodes, par un groupe important de cheikhs. Ces maîtres se distinguaient par leur excellente mémorisation de la totalité des noubas (groupes de strophes) avec toutes leurs spécificités et toutes leurs scansions.
Les cheikhs du malouf – aujourd’hui peu nombreux dans la région de Testour par comparaison avec les époques passées – s’emploient à préserver un malouf  qu’ils appellent kham (à l’état brut, inaltéré, tel qu’hérité des cheikhs des précédentes générations) face au désintérêt de la majorité des jeunes qui répugnent à apprendre les mélodies de ce patrimoine artistique.  
La principale caractéristique du malouf de Testour est son exécution qui diffère totalement de celle de la rachidia (grande troupe musicale de la capitale dont l’interprétation des mélodies classiques est supposée constituer la norme). Cette différence consiste, pour l’essentiel, en l’absence d’instruments mélodiques pour accompagner le chant exécuté par les cheikhs du malouf  de Testour et le recours exclusif à la voix humaine et aux instruments rythmiques tels que les nagharat, le tar et la darbouka, outre le tabl (tambour) qui n’est utilisé que dans les festivités et les cérémonies à caractère social.
L’auteur a essayé dans son étude de donner un aperçu global du malouf de Testour qui a résisté aux diverses évolutions et transformations survenues avec le temps et su conserver ses particularités artistiques. Mais, au-delà du cas de Testour, l’auteur a surtout voulu insister, à travers le choix de ce genre artistique particulier, sur le fait que la version testourienne du malouf  représente un héritage populaire qui a ses caractères distinctifs qui lui donnent une place à part parmi les autres versions tunisiennes de cet art.
Œuvrer à la réussite de la collecte du malouf de Testour, ce trésor du patrimoine oral, de la bouche des cheikhs de la région qui sont encore en vie,  puis travailler au classement de ses contenus et à l’analyse de ses particularités techniques ne peut que contribuer à sauvegarder cet héritage, à le préserver de l’oubli et dès lors à enrichir le patrimoine musical tunisien. 

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