Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA STRUCTURE DE LA FICTION DANS LE CONTE POPULAIRE

Issue 35
LA STRUCTURE DE LA FICTION DANS LE CONTE POPULAIRE

Bouchaieb Assaouri
Maroc

L’examen du conte populaire, et en particulier du conte plaisant, appelle certaines questions, telles que:
  par quoi le conte est-il conte?
   Quels en sont les fondements?
  Quelle en est l’origine?
  Comment se construit le noyau de ces contes?
  Quelle en est la finalité ?
 A quoi sert-il de les raconter?
  Comment se forment-ils pour devenir fiction?


Les contes sont des narrations transmises de génération en génération et passant d’une région à l’autre. Cette circulation se fait, dans la majorité des cas, par voie orale. On écoute et on reprend le récit autant que le permet la mémoire du narrateur. L’auditeur peut transmettre tel quel ce qu’il a entendu comme il peut y ajouter de son cru ou y introduire des éléments inventés par son imagination pour pallier les trous de mémoire. C’est pourquoi l’oralité entretient des rapports avec le réel dont le conte subit l’influence ou dont il est l’émanation. Le conte est le diwan (ou divan: ici, recueil de récits) créé par un vaste groupe de personnes, notamment parmi ceux qui n’ont pas accès à la lecture et à l’écriture. C’est en fait le seul livre qu’ils aient composé et qu’ils ouvrent à tout moment pour s’interroger sur un point, en préciser un autre, apporter un nouvel éclairage sur telle question, ou ouvrir le débat sur telle autre question, la parole au quotidien et les problèmes de la vie nécessitant le recours à la narration.
Ces contes sont des entités qui vivent parmi des gens, lesquels ne sauraient vivre sans eux. Nous sommes ainsi faits, ces récits sont notre vie même, notre refuge et notre «maison», pour parler comme Heidegger. Nous y avons recours à tout instant car ils sont le réservoir où sont stockées nos expériences, nos connaissances, nos représentations et nos perspectives culturelles. C’est ici que se manifestent clairement leur fonction pédagogique mais aussi le plaisir, le divertissement par quoi ils captivent l’auditeur ou le lecteur.
Si le réel et la vie quotidienne appellent le conte et l’acte narratif, nul doute que ces récits ne soient, malgré le travestissement qu’ils opèrent, imprégnés des spécificités de ce réel. C’est pourquoi ils portent l’empreinte de la réalité locale en dépit de l’apparente négation de cette réalité autour de laquelle le conte est construit. Sur ce plan, il n’y a en fait aucune béance: «car le texte littéraire populaire nous réfère à diverses choses et peut, dans certains cas, nous renvoyer de façon précise à des données qui correspondent à une réalité déterminée et, dans d’autres cas, à certaines données sans rapport avec cette réalité, voire opposées à elle.»
Le conte plaisant nous présente ainsi une image de la société marocaine qui l’a produit, image où s’insèrent certaines spécificités sociales ou économiques et des représentations culturelles du Maroc du Moyen-Atlas (allusions à la géographie, aux instruments agricoles, aux valeurs du groupe…). Mais, le plus souvent, c’est à la société rurale que nous renvoient ces récits.
Au vu de ce qui précède, l’auteur a essayé de tracer les contours d’une première image des particularités de l’univers imaginaire propre au conte populaire marocain, de façon générale, et du conte plaisant, en particulier,  en en faisant ressortir les éléments structurels spécifiques : la feinte, la ruse, le paradoxe, l’oralité en tant que mécanismes premiers accompagnant le processus de formation et de mise en fiction de ce type de récit. L’auteur ne prétend pas avoir dégagé toutes les spécificités du conte plaisant qui nécessite, en raison de sa grande richesse, d’autres recherches et qui soient développées sur un plus large spectre.

Toute Issues