UN VRAI DICTIONNAIRE DE L’ARCHITECTURE ET DES ORNEMENTATIONS ISLAMIQUES
Issue 34
Mohamed Mohamed Ibrahim
L’étude porte sur les symboles et significations liées aux multiples données (diversité des formes, singularité, ouverture sur l’autre…) concernant les arts architecturaux, les ornements, les dessins et les sculptures de l’Ecole et de la Mosquée d’Al Amiriya à Rad’a, capitale du plus puissant des petits Etats islamiques qui jalonnent l’histoire du Yémen, l’Etat Tahiride qui connut une grande période d’essor scientifique et architectural, marquée par l’ouverture sur les cultures des peuples de l’est et de l’ouest. Les sites et monuments légués par les Tahirides constitue aux yeux des chercheurs un véritable dictionnaire des œuvres architecturales de cette époque où s’inscrivent la multiplicité et les riches structures culturelles et intellectuelles de la société tahiride dont le dernier souverain – qui fut également le plus grand par sa sagesse politique et la rigueur de son administration – a été le Sultan Amer ibn Abdelwahab qui fit de la ville de Rad’a sa capitale.
Deux approches ont présidé à cette étude. D’abord l’observation et l’enquête sur le terrain qui ont permis d’analyser les composantes architecturales de l’ensemble ainsi que la mosaïque constitutive de ce groupe de bâtiments appelé Al Amiriya, une fois achevés les travaux de restauration qui ont permis de redonner vie à cet ensemble qui était menacé de disparition. Ensuite le travail de bibliothèque sur l’organisation architecturale et les modes de construction d’Al Amiriya, dans l’éclairage du mouvement scientifique et culturel islamique que le Yémen a connu sous le règne des Tahirides.
Il convient, ici, de souligner que Mme le Dr Selma Ar-Radhi – qui a obtenu le Prix de l’Agha Khan pour le travail qu’elle a accompli en tant qu’architecte de ce projet de restauration – a publié un remarquable ouvrage intitulé Le Récit de l’Ecole d’Al Amiriya dans lequel elle raconte la véritable histoire d’amour et d’attachement existentiel et professionnel qu’elle a vécue avec les arts architecturaux du Yémen. Cette histoire commence avec son arrivée dans le pays et sa première visite à l’Ecole d’Al Amiriya et se poursuit autour des 24 années qu’elle a passées autour de ce projet.
Publié en langue anglaise par l’Université d’Oxford (1997), le livre est dédié au grand entrepreneur en bâtiments l’« Osta » Azzi Mohamed dont l’auteur dit qu’il « possède dans sa tête et ses mains l’expérience de plusieurs générations successives », et que « sans lui l’histoire de ce monument architectural aurait fini en catastrophe ». Mme Ar-Radhi exprime également au seuil de son ouvrage sa gratitude à cet homme qui, déjà âgé, accepta – dans le contexte de l’époque – qu’une femme fût son élève, et les grands regrets qui lui sont restés de l’avoir vu mourir avant qu’il ne lui ait décerné le titre d’Osta (mot turc signifiant « le maître », « le patron ») en maçonnerie, le maître s’étant arrêté au titre intermédiaire d’«Ostiya » (qui est un diminutif d’Osta).
Mme Ar-Radhi se penche dans son ouvrage sur les aspects techniques du projet de restauration et souligne les difficultés liées à l’extrême complexité architecturale de cette mosaïque d’édifices puisant dans diverses cultures et arts du bâtiment. S’étendant sur 23 ans, le projet d’Al Amiriya fut une véritable épopée qui mobilisa le talent l’expérience d’une équipe de professionnels travaillant d’arrache-pied à rendre la vie à ce monument inimitable. L’ouvrage compare les moyens qui ont été mis en œuvre, à cette occasion, avec ceux dont pouvaient disposer à leur époque les initiateurs de ce grand projet.
L’auteur rappelle également que l’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh a décerné à Mme le Dr Ar-Radhi le Grand Ordre du Mérite pour les efforts exceptionnels qu’elle a déployés au service de la culture et de l’histoire du pays et plus particulièrement pour la réhabilitation de cet édifice islamique unique en son genre : Al Amiriya.