Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA FABRICATION DE LA FIRKA: ENTRE HERITAGE CULTUREL ET RENTABILITE ECONOMIQUE ETUDE DE TERRAIN, DANs LA RéGION DE NEQADA, EN HAUTE-EGYPTE

Issue 31
LA FABRICATION DE LA FIRKA: ENTRE HERITAGE CULTUREL ET RENTABILITE ECONOMIQUE ETUDE DE TERRAIN, DANs LA RéGION DE NEQADA, EN HAUTE-EGYPTE

Abdullatif Ahmed Husseïn

Egypte

Cette étude sur la fabrication de la firka (soierie d’une grande souplesse) dans la région de Neqada, en Haute-Egypte, vise à connaître les spécificités de cette industrie et son implantation dans cette province, ainsi que la conjugaison de la puissante impulsion du mouvement de l’histoire avec celle du contexte géographique qui en a assuré la pérennité. Elle a également pour but de comprendre les problèmes que cette industrie doit affronter et de proposer des recommandations pour les résoudre.

 

L’étude a mis en évidence la convergence d’un ensemble de facteurs géographiques qui furent à l’origine de l’implantation de cette activité manuelle dans la région de Neqada, facteurs auxquels vient s’ajouter la dynamique historique liée à la réputation que le travail artisanal de la région a acquise grâce à l’accumulation des savoir-faire transmis, de génération en génération mais aussi à l’existence d’une matière première abondante, notamment le lin, la laine, la soie, sauvage aussi bien qu’industrielle.

Près de 40% des habitants de la région, représentant 900 familles, travaillent dans cette industrie, dont la plupart sont des femmes, la nature du travail exigeant patience et persévérance, en plus de l’exécution d’une partie du processus de fabrication à l’intérieur des maisons. La proximité des zones où se trouve la matière première (coton, lin, soie) et celle des marchés touristiques de Louxor, de Hurgada et d’Assouan, qui attirent près des trois-quarts des touristes se rendant en Egypte, ont assuré la pérennité de cette industrie après qu’elle eut connu une période de déclin et a même failli disparaître, au cours des années 80 du siècle dernier.

L’étape du tissage manuel comporte quatre phases :

la mobilisation de la matière première qui est transportée du Caire vers les ateliers de fabrication; ce matériau est ensuite trié et fixé sur le métier à tisser; commence alors l’étape de la fabrication proprement dite; le produit fini est enfin acheminé vers les marchés touristiques.

Le tissage manuel est une activité économique inscrite dans un processus historique, cette industrie constituant la principale source de revenu pour la plupart des familles de la région de Neqada et garantissant environ 3000 emplois. La part nette qui revient au producteur est de 55%, soit en fait 29% du prix final du produit, ce qui représente moins du tiers des 35 Guinées qui sont le prix de vente de chaque pièce de tissu. Les intermédiaires profitent donc de plus des deux-tiers des revenus générés, en raison de la multiplicité des circuits de commercialisation.

Cette industrie souffre de nombreux problèmes, dont certains liés aux composants du produit. Il faut notamment souligner que, du fait de l’augmentation du prix du fil, cette industrie est d’une faible rentabilité pour le producteur. La solution consiste donc dans le recours exclusif aux longs fils de coton égyptien qui garantissent, en plus, l’authenticité du label local.

L’industrie pâtit également du manque d’ouvriers qualifiés. La solution, ici, consiste à renforcer les centres de formation qui devraient se concentrer sur l’appui technique et le développement des compétences afin de fournir aux villages de la région des cadres capables d’implanter ce type de tissage.

Autre problème:

le caractère saisonnier de la demande liée au caractère saisonnier de l’activité touristique. C’est pourquoi il faut œuvrer à relancer l’exportation de la firka de façon à élargir le marché.

Cette industrie doit également faire face à la concurrence chinoise et indienne. Il importe donc de prendre des mesures protectionnistes si l’on veut que cette industrie puisse se perpétuer.

L’Etat se doit, en outre, d’agir pour casser le monopole exercé par un petit groupe d’intermédiaires sur cette production et réorganiser les circuits de distribution.

L’auteur prévoit à l’avenir un élargissement de l’aire de production, une diversification de son implantation géographique, ainsi que la modernisation des produits afin que cette activité puisse répondre à l’évolution qualitative de la demande, et l’accroissement de la part de ce type de textile dans le marché touristique au détriment des autres formes de tissage propres à d’autres zones rurales ou provenant du Soudan limitrophe, accroissement en rapport avec le changement du mode de vie des villageois ou des populations du Soudan. L’étude insiste également sur la nécessité de lier les industries textiles aux programmes de développement touristique en raison de l’attrait que cette marchandise exerce sur les visiteurs étrangers, ce qui ne peut que contribuer au développement, tant au plan économique que culturel, du commerce des produits d’artisanat.

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