Revue Spécialiséé Trimestrielle

L’HABIT DE LA FEMME ARABE ENTRE TRADITIONS SOCIALES ET INTERCULTURALITE

Issue 29
L’HABIT DE LA FEMME ARABE ENTRE TRADITIONS SOCIALES ET INTERCULTURALITE

L’étude des constantes et changements dans l’habit de la femme arabe doit s’intéresser en premier lieu au rapport entre la société et la religion :

- la société, en tant que fondement des us et coutumes qui s’expriment à travers diverses formes de comportement, au quotidien, ainsi que dans la vie professionnelle où l’habit et ses multiples mutations sont tributaires des évolutions de chaque époque tout autant que de considérations liées au temps et au lieu ;

- la religion dans la mesure où elle impose, depuis le temps de la révélation, différentes manières de s’habiller que la femme se doit de respecter, manières qui entrent dans le cadre des contraintes charaïques, la charia prescrivant à la femme de se couvrir la tête et la totalité du corps en ne laissant apparaître que le visage et les mains, même si certaines interprétations (ijtihad) vont plus loin en exigeant que le visage ainsi que toutes les parties du corps soient totalement couverts, de sorte que nulle parcelle du corps féminin ne soit visible. Ces principes charaïques ne sauraient tolérer le moindre changement : le système vestimentaire est réglé par un code immuable.

 

Au plan social, l’habit est inscrit à l’intérieur d’un processus de changement continu, même si ce changement se trouve exposé à diverses résistances qui peuvent se durcir ou s’assouplir, pour faire face à l’innovation et aux grandes mutations. Le nouveau commence toujours par s’imposer et par occuper la place qui lui revient, puis il s’élargit aux dépens de ce qui précède. Il va ensuite s’inscrire à l’intérieur d’une posture d’attente jusqu’au moment où il lui faudra céder à son tour la place à ce qui est en train d’arriver, et ainsi de suite, le nouveau supplantant l’ancien en dépit des diverses oppositions, des plaintes et regrets, toutes manifestations qui ne peuvent faire barrage à ce qui afflue et s’impose non sans ouvrir la voie à l’attente de futures innovations, car il faut bien consentir à la fatalité du changement.

L’étude porte sur le hîjab (voile de la femme), en tant que prescription imposée par la charia, et sur l’habit de la femme, en tant qu’il relève également d’une obligation charaïque. L’auteur considère qu’il n’est nul besoin de mettre la question en délibération : l’habit de la femme obéit à une prescription religieuse et doit être étudié sous l’angle de l’actualisation sociale d’une telle prescription. L’étude s’efforce de mettre en évidence les influences sociales, les processus d’acculturation et d’interaction, les pressions exercées par les médias, les technologies et autres moyens modernes de communication sur l’habit féminin, ses formes, sa typologie, les accessoires destinés à orner cet habit ou à mettre en valeur le physique de la femme. En d’autres termes, l’auteur vise à faire ressortir les manifestations qui témoignent du rapport entre mutations sociales et constantes religieuses pour tout ce qui concerne l’habit de la femme, c’est-à-dire pour tout ce qu’elle se doit de porter de manière :
soit à respecter scrupuleusement la charia en portant l’habit qui répond à ses exigences ;
soit à suivre les tendances de l’époque et à contrevenir à la charia ;
soit à concilier les exigences de la mode avec le respect de la charia.
Telles sont les options. Certaines choisissent le respect du code, d’autres se situent à mi-chemin du respect et de la transgression et présentent une image charaïque nourrie de modernité, qui se manifeste au moyen de certaines variations de la forme et de la couleur du voile ainsi que de la coupe et de l’apparence de l’habit qui révèle plus qu’il ne dissimule ce qui doit l’être, offre à l’œil plus que ce qu’autorise la charia et vide de sa signification générale le voile et l’habit que le code charaïque avait pour finalité d’imposer et qui est de dissimuler tout ce qui prête à discorde et de gommer de l’image que pourrait présenter la femme toute forme de séduction, de crainte de réveiller des convoitises qui ne doivent pas être exhibées.

(Endnotes)
1- Jacques Berque : « Remarques sur le tapis maghrébin », in Etudes maghrébines, p. 19.
2- Ibid, p. 24.


Atef Attia
Liban

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