NOCES TRADITIONNELLES : LE HENNE ET LE HARMEL POUR CHASSER L’ENVOUTEMENT LE TEBLEJ, UNE PRATIQUE SAHARIENNE, LA PLUS ANCIENNE DE TOUTES, POUR FAIRE GROSSIR LA FUTURE MARIEE
Issue 28
Le rite du henné est le rite d’ouverture des joyeuses festivités de la noce. Les femmes se succèdent pour mettre le henné dans la main de la mariée, laquelle est assise au milieu des invitées, dans le patio de la maison, le visage recouvert d’un blanc tissu, et reçoit les cadeaux que lui offrent ces femmes selon une gestuelle complexe. Les cadeaux sont, à plusieurs reprises, promenés par-dessus la tête de la mariée, selon un mouvement circulaire. La mère de la mariée se charge ensuite de disperser des poignées de henné et de harmel sur l’espace environnant pour chasser le mauvais œil et neutraliser les tentatives d’envoûtement. La mariée se retire ensuite dans sa chambre pour se dérober aux regards, donnant le signal du début du chant et de la danse.
Lorsque la fête est sur le point de s’achever la mariée revient dans le patio où les troupes musicales l’auront précédée. Elle s’assoit de nouveau, le corps entièrement recouvert d’une mante blanche ou verte ; un groupe de femmes debout font cercle autour d’elle, formant une sorte de mur pour la protéger du mauvais œil et veillant à ce qu’elle soit entièrement voilée pour qu’aucun des présents ne puisse l’atteindre du regard.
Lors de la nuit de noce, la mariée est transportée sur un disque orné de multiples dorures ; sa tête est ceinte de la couronne de la famille ou recouverte d’un voile vert ; elle porte sur la poitrine de nombreux bijoux. Elle s’assoit après avoir été conviée à effectuer plusieurs tours parmi les femmes en prévision de son prochain départ, lequel va se faire soit à dos de cheval soit sur le grand disque doré, selon la distance qui la sépare de la maison du marié. Un cortège formé de sa famille, de ses voisins et d’un groupe de musiciens va l’accompagner. Un homme se dresse alors sur leur chemin pour tenter d’arrêter le cortège, mais ils vont s’efforcer de le calmer en lui offrant divers présents afin qu’il les laisse passer. Ce rite est considéré comme un clin d’œil à de vieilles situations remontant au temps où les brigands prenaient d’assaut les cortèges et où les accompagnateurs se dressaient pour protéger la mariée, à moins qu’ils ne parent au danger en satisfaisant d’avance aux exigences des chefs de bande. La mariée est accueillie à son arrivée par la mère du marié qui lui offre le lait et les dattes. Quant au marié il se charge d’accueillir à sa façon le cortège en jetant de pleines poignées de dattes, d’amandes, de noix par-dessus la tête des convives. Pendant ce temps, la mariée est introduite dans sa chambre où elle ôte la couronne de la famille qui sera ramenée chez son père.
La tradition sahraouie chez les tribus vivant aux confins de Saguia al Hamra, dans la Sahara marocain, veut que l’embonpoint chez la femme témoigne de son appartenance à un milieu social élevé où l’on vit dans le bien-être et l’abondance. Le critère de beauté chez la femme était et demeure, chez le peuple sahraoui, l’opulence des formes qui attestent dans le même temps de cette sagesse et de cet esprit d’ordre que les femmes dans ces sociétés s’attellent à développer au prix des plus grands sacrifices.
La femme aux formes élancées n’est pas de celles que privilégie la société sahraouie qui a hérité de ses aïeux d’autres critères de beauté. En effet, est beau dans la perspective sahraouie ce que l’œil ne peut manquer (une femme bien en chair est une beauté qui voile l’œil du jour), plus la femme est grosse plus ravit elle par sa beauté et plus grande est sa place dans le cœur des hommes.
Toutes les poésies, tous les zajels, toutes les chansons que les peuples du Sahara ont consacrées à la femme mettent toujours en avant cet embonpoint qui habilite la femme à la fertilité et à la maternité. Les flancs de la femme sont souvent comparés aux dunes de sable ou aux vagues de la mer, et les poètes ne se lassent de chanter le gigantisme de la femme. C’est là une passion et une magie qui ont fait que les femmes sont véritablement obsédées par le développement de leurs formes au point de mettre, fort souvent, leur santé en danger.
Ahmed Aloua
Maroc