Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES FORMES POPULAIRES DE MEDICATION DANS LES REGIONS DE L’OUEST ALGERIEN

Issue 25
LES FORMES POPULAIRES DE MEDICATION DANS LES REGIONS DE L’OUEST ALGERIEN

L’homme a cherché depuis l’aube de l’Histoire à soigner ses maladies et ses douleurs par le recours à des formes populaires de médication. Il a ainsi découvert de nombreuses plantes dont il a pu extraire des substances médicamenteuses d’une grande efficacité. Les sociétés ont hérité les unes des autres des formules médicales populaires, sortes de protocoles traditionnels qui constituent autant d’avancées dans la recherche des moyens de guérir les malades. Certaines de ces formes de médication plongent leurs racines dans des civilisations lointaines, celles des Pharaons, de la Mésopotamie, de l’Inde, de la Grèce, du monde arabe ou d’autres. Depuis l’apparition puis l’expansion de l’Islam, de nombreux savants se sont imposés dans le domaine de la médecine grâce à l’utilisation des plantes et autres matériaux disponibles dans la nature. On peut citer, parmi les plus célèbres, Al Antaki, Avicenne, Maïmonide, Al Birouni, Al Zahrawi, Ibn al Bîtar ainsi que des femmes médecins telles que Umayma bint Qays al ‘Afrya, Oum Salim, Oum Aymen, Oum ‘Atya al Ansarya, Nusseyba bint Ka’ab al Marunya (la Maronite), etc.

 

Mohammed al Jawhari estime que la médecine populaire est le domaine le plus étroitement lié à la culture populaire d’une société, et qu’il existe une interpénétration et une interaction, d’un côté, entre les différents domaines des croyances populaires et, d’un autre côté, entre ces croyances elles-mêmes et les autres domaines de la vie sociale. Une telle interpénétration représente en soi un des caractères spécifiques de la culture populaire.  

Beaucoup de prescriptions médicales populaires expérimentées de longue date peuvent avoir des effets bénéfiques, surtout lorsqu’on sait que de nombreux médicaments sont extraits de plantes médicinales et que leur coût est très bas, ce qui ne peut qu’en faciliter la circulation à l’intérieur des différentes sociétés. Les organisations internationales, telle que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), affirment sans cesse leur intérêt pour la médecine populaire en tant que moyen de lutte contre les maladies, et s’emploient à en connaître les principes agissants.

David Werner considère que certaines prescriptions médicales populaires ont un effet direct sur le corps alors que d’autres aident à la guérison par le simple fait que les malades croient en leur efficacité car, au plan psychologique, la foi des individus en l’efficience de telle ou telle prescription peut contribuer à soigner certaines  affections d’ordre physique.

L’OMS voit, de son côté, que certaines pratiques médicales populaires auxquelles on a recours pour soigner certaines maladies ont des effets bénéfiques avérés et qu’il convient, par conséquent, de les encourager, alors que d’autres pratiques ne sont d’aucune utilité quand elles ne sont pas, tout au contraire, nuisibles, et qu’il est impératif de les éviter.

Les progrès constants de la médecine ainsi que les changements socioéconomiques que la société algérienne a connus, en particulier la baisse notable de l’analphabétisme et l’amélioration sensible des services de santé, ont grandement contribué au recul de la médecine populaire. Mais cela ne signifie pas pour autant la disparition de ce type de soins. Les études de terrain que nous avons effectuées dans la région de l’ouest algérien montrent qu’un grand nombre de mères de famille continuent à accorder beaucoup d’importance à la médication populaire pour traiter certaines maladies.

Méthodologie de l’étude :
Mohammed al Jawhari définit en ces termes  la démarche à suivre : « Il existe deux méthodes pour étudier la médecine populaire. La première consiste à consigner un ensemble de potions et de plantes en usage au sein de telle société puis de s’interroger sur les maladies où ces médications ont donné des résultats. La deuxième consiste à s’interroger sur la façon dont on soigne certaines maladies en recourant à des moyens traditionnels. C’est cette deuxième approche que l’auteur a adoptée dans la présente étude en consignant un ensemble de maladies fréquentes dans la partie occidentale de l’Algérie, puis en demandant aux mères de famille de citer les plantes ou autres substances ingurgitées qui sont utilisées pour soigner ces affections. L’accent a été mis sur les maladies présentant des symptômes simples, c’est-à-dire relativement faciles à cerner et à identifier : maux de tête, par exemple, ou douleurs abdominales, rénales, auditives, dentaires, inflammations gingivales, boutons, brûlures, etc.

L’auteur passe ensuite à l’approche descriptive en rapportant par le menu les pratiques curatives populaires où plantes et substances ingérées sont utilisées pour traiter les maladies, excluant de son étude le grattage, la cautérisation et autres types d’intervention pour se concentrer sur le domaine des potions et des plantes médicinales.

Un échantillon de 250 familles vivant dans différentes régions de l’ouest algérien a été choisi de façon aléatoire, selon une répartition fondée sur la proportionnalité, de sorte que le nombre de familles choisies soit en proportion du nombre global des familles dans chaque région, la base de calcul étant celle des recensements effectués par les instances compétentes. Les informations ont ensuite été collectées au moyen d’entretiens effectués avec les mères de famille, soit chez elles, soit à l’occasion des marchés hebdomadaires. Les réponses obtenues ont été consignées dans des questionnaires préparés à cet effet.


Ali Ammar
Algérie

Toute Issues