Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES JEUX ET SPORTS TRADITIONNELS DES ENFANTS NOUS PARLENT DE LA CULTURE DE CHAQUE SOCIETE L’exemple de l’enfant tunisien

Issue 25
LES JEUX ET SPORTS TRADITIONNELS  DES ENFANTS NOUS PARLENT DE LA CULTURE DE CHAQUE SOCIETE L’exemple de l’enfant tunisien

L’évolution historique de la Tunisie a joué un rôle capital dans l’émergence d’une culture diversifiée qui s’est développée pendant des millénaires, passant de l’ère punique à l’ère romaine, puis byzantine, enfin islamique et arabe. L’image qui vient à l’esprit lorsqu’on parle de la Tunisie est celle d’une vieille histoire porteuse du legs de nombreuses civilisations venues d’Orient aussi bien que d’Occident. La Tunisie, cette petite parcelle de l’Afrique baignée par la Méditerranée, a toujours été une terre de rencontre entre les cultures : c’est ce qui a fait de la société tunisienne, qui est culturellement arabo-musulmane, une société ouverte sur les autres cultures du monde, celles, en particulier, de l’Europe, en raison du voisinage méditerranéen.

 

L’hégémonie du modèle culturel occidental qui est la marque du monde dans lequel nous vivons, cette forme de domination que le penseur marocain Abdessaïed Al Charqaoui évoque en ces termes : « Nous-mêmes ainsi que les autres peuples avançons vers un seul point de convergence qui est l’américanisation de la culture », vise en dernière instance à imposer une culture universelle unique dont les principes et les caractéristiques sont définis dans  le cadre de cette hégémonie qui s’appelle « la mondialisation culturelle ».

La conservation de l’héritage culturel populaire en général est dès lors devenue un enjeu important pour l’ensemble des sociétés. C’est en effet cet héritage qui définit l’identité des membres de chaque société et constitue le reflet de leur civilisation. C’est sur cette base que s’établit pour chaque individu une relation renouvelée, vivante et dynamique avec le patrimoine qui se fonde sur le lien noué entre l’homme et son héritage, relation récusant toute coupure de sorte que « le patrimoine se trouve intégré à l’être », pour reprendre les mots d’Al Mandhour Al Jaberi qui précise : « L’intégration de l’être au patrimoine est une chose mais l’intégration du patrimoine à l’être en est une autre… La rupture à laquelle nos appelons n’est pas une coupure avec le patrimoine mais avec un certain type de rapport au patrimoine – une rupture qui de créatures patrimoniales nous transformerait en personnes accomplies dont le patrimoine serait l’un des constituants, mais un constituant qui les conjoint à une personnalité plus collective, celle de la nation dépositaire du patrimoine. »

De notre point de vue, les sports et les jeux populaires, c’est-à-dire les pratiques individuelles ou collectives qui ont, comme le pensent les Tunisiens en général, un caractère ludique, constituent en eux-mêmes un phénomène social. De nombreux chercheurs ont examiné de près les jeux, sports et autres activités traditionnelles de loisir et sont parvenus à la même conclusion, à savoir qu’il existe un rapport étroit entre les jeux et les sports, d’un côté, et la culture, de l’autre. Le patrimoine sportif a en effet été, depuis les temps anciens, lié à la vie sociale, aux activités de l’homme autant qu’à ses actions quotidiennes, à ses rites et coutumes. De même, ces chercheurs ont-ils conclu, en partant de l’observation et de l’expérience vécue, que le jeu constitue un système social qui varie d’une société à l’autre. Les différences qui existent entre les sociétés émanent, pour ainsi dire, des différences liées aux spécificités culturelles de chacune. Chaque système social génère nécessairement son système de jeux populaires qui a ses propres caractéristiques et puise ses règles dans la formation et les us et coutumes de ceux qui pratiquent les activités populaires de loisir.

La conceptualisation du terme « culture » constitue la première opération qui permet de préciser la signification ou les significations que recouvre ce terme. La culture est, selon l’idée généralement admise : « l’ensemble des données, des savoirs, des pratiques et des valeurs qui sont propres à chaque peuple et qui constituent les repères autours desquels ce peuple organise son existence ; ils représentent les signes qui le distinguent des autres peuples, dans la mesure où ils sont l’expression sincère de sa personnalité, en même temps que les manifestations visibles de cette personnalité et l’expression de son mode d’existence. » Une telle définition conceptuelle de la culture devrait, sans doute, nous inciter à nous poser des questions sur le rôle et le statut du jeu dans les différents types de culture et de civilisation. L’une de ces questions serait la suivante : le jeu est-il une forme d’expression culturelle ? De même que telle ou telle plante pousse dans des conditions géographiques et climatiques favorables, certains types de jeux présentant des similarités apparaissent dans certaines situations d’affrontement culturel, voire de conflit de civilisation. Cette hypothèse peut être vérifiée à la lumière de la théorie de Jung qui se fonde sur l’affirmation que la culture universelle constitue un dénominateur commun à l’ensemble des peuples sans pour autant occulter les particularités qui sont la marque de la culture de chaque peuple et de la civilisation de chaque nation.

Toute culture, tout peuple possède en propre un ensemble de jeux que les hommes se sont transmis de génération en génération et dont l’histoire remonte aux âges lointains. Ces jeux sont appelés jeux populaires ou, comme on dit en Occident, jeux traditionnels. Ils sont porteurs de nombreuses particularités culturelles et reflètent les us et coutumes du milieu concerné. Ahmed Abou Saad définit les jeux populaires en ces termes : « Tous ces jeux se ramènent à ce que chacun a de spécifique et à ce qu’il partage avec d’autres cultures. Les jeux ont leur langage, leur jargon, leurs hymnes que chantent les joueurs en pleine action ; les jeux portent l’empreinte et la couleur de notre environnement social et géographique, ils sont l’écho lointain des élans du peuple libanais, la vitrine où s’exhibent ses joies et ses plaisirs et le miroir qui reflète les multiples aspects de son existence.

Ezzedine Bouzid
Tunisie

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