CREATIVITE ET MECANISMES DU RENOUVELLEMENT DANS LA POESIE POPULAIRE SOUFIE
Issue 23
L’auteur essaie dans cette étude de mettre à l’épreuve la théorie des « formules orales » conçue par Milman Pary et Albert Lord et appliquée aux longues épopées yougoslaves. Son choix s’est porté sur un genre littéraire vivant, la poésie populaire soufie qui se fonde des poèmes relativement courts que récitent les maîtres du dhikr (hymne à Dieu et à Ses Prophètes) ou les derviches soufis lors des cérémonies religieuses, notamment le mouled (fête anniversaire du Prophète), les cercles du dhikr, les fêtes soufies, etc. L’étude vise à mettre en lumière les mécanismes de transmission de cette tradition festive et quelques unes des voies de la créativité et de l’innovation dans ce type de littérature populaire qui est né et s’est développé en étroite liaison avec les tariqas (doctrines, écoles) soufies, et a survécu jusqu’à nos jours.
Les récitants sont les passeurs de cette poésie. Leur répertoire littéraire a d’abord pour base quelques livres de chant publiés. On peut citer à cet égard Safaou al achikine (Le Pur amour), Al anwar al bahiya fi madhi khair al bariya (Les lumières resplendissantes à la gloire du Meilleur des hommes), ainsi que d’autres recueils poétiques, tels que les poèmes attribués à Ibn Al Farîdh, Ibn Al Arabi, Al Boussaïry, et à une multitude d’autres grands noms de la poésie soufie.
Mais les récitants recourent, en plus de ces recueils publiés, à des sources orales. Ils ont à cet égard excellé à inventer de nouvelles formes de chant en se fondant sur les traditions héritées et sur la matière transmise oralement de maître à élève et de père en fils, ce qui est le cas pour un grand nombre d’entre eux.
Ces artistes apprennent soit par imitation du maître (comme on apprend, par exemple, à chasser en compagnie de chasseurs aguerris), soit par l’écoute des cheikhs, la répétition des chants qu’ils ont entendus et l’assimilation d’autres matières fondées sur les formules canoniques, soit, encore, en participant à des séances de remémoration collective du passé. Tel est le parcours d’apprentissage du futur récitant qui ne reçoit pas un enseignement au sens strict du terme.
Pour mettre en lumière les « formules orales » et les modes de renouvellement chez les récitants, nous examinerons la question sous quatre angles :
Premièrement : la notion de poésie populaire soufie ;
Deuxièmement : l’arrière-plan historique de ce type de création au vu des manifestations historiques ;
Troisièmement : la forme ou les formes littéraire(s) où cette poésie atteint à son apogée ;
Quatrièmement : les modes de renouvellement et de créativité.
Ibrahim Abdulhafiz
Égypte