Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA MUSIQUE HASSANITE OU MUSIQUE DU TIDNIT

Issue 21
LA MUSIQUE HASSANITE  OU MUSIQUE DU TIDNIT

La musique du Sahara Occidental repose sur un ensemble d’instruments de musique etdifférents interprètes, chanteurs aussi bien que musiciens. Elle est définie par des termes désignant les grandes, moyennes et petitesunités mélodiques, dont chacune correspond àun texte versifié supposant un accompagnement musical. 

 

Le spécialiste français Michel Gagnaire a beaucoup écrit sur cette musique ;il a donnéde précieuses informationsà son sujet, qu’il a puisées chez les nombreux artistes qu’il a  rencontrés. Mais l’expérience personnelle de l’auteur de cette étude ainsi que les recherches qu’il a lui-même menées l’ont conduit dans une autre direction. Il a en effet essayé de ne pas se laisser enfermer dans une seule école musicale, mais de passer en revue l’ensemble des écoles en relevant les traits distinctifs de chacune, qu’il s’agisse de la musique dutidnit et des gens du Bassin ou de celle des gens de Tkanetet de ceux d’Al Qibla. L’auteur a également procédé à une analyse minutieuse des termes en usage dans ce type de musique. Car les maîtres qui ont eux-mêmes transmis ces chants et cet art musical n’arrivent pas à les expliquer, en raison de cette coupure qui s’est produite entre les désignations qui existaient à l’origine et la pratique actuelle, coupure qui a des causes historiques qui échappent désormais  aux praticiens eux-mêmes – car ils n’ont gardé que l’usage des termes – et que la suite de cette étude tente d’élucider. 

Pourquoi un tel oubli ? Il sera répondu à la question  dans la partie du travail consacrée aux termes utilisés pour parler – sans entrer nécessairement dans tous les détails – de la musique elle-même, mais l’auteur estime qu’il est nécessaire d’aborderen premier lieu les questions de terminologie liées aux instruments de musique. 

Lesinstruments à cordes se composent dutidnit, de l’ardîn, de la cumbra et de la rebaba. Certains de ces instruments sont maniés avec les doigts, d’autres avec divers accessoires. 

Les types de musique joués sur le Tidnit al Bedhane

Le tidnit est l’instrument primordial en ce qui concerne la musique de l’ensemble du Sahara occidental. Il permet en effet aux habitantsde cette régionde jouer toutes les formes musicales conçues, imaginées, ou importées au gré d’une des migrations ou encorecréées sous l’influence de peuples voisins.

Trois observations essentielles sont à prendre en compte pour comprendre la réalité de cette musique qui est digne d’être considérée comme la plus représentative de cette région du monde car la plus adaptée aux structures mélodiques qui y ont cours et la plus universelle pour rendre les différentes strophes rythmiques – les achouars– qui se composent de vingt-quatre grandes unités comportant des centaines de petites unités. 

Première observation : la musique du tidnit ne provient pas d’une seule source et n’a pas été créée en un seul moment de l’histoire ni dans un seul espace culturel et artistique unifié. Elle est le résultat d’un cumul de performances venues du passé, proche et lointain. Ses premières occurrences remontent au second Etat almoravide qui connut une plus grande prospérité qu’à ses débuts. On peut donc estimer, sur la base des témoignages historiques, que la musique du tidnit a vu le jour vers la seconde moitié duVIème siècle de l’Hégire (XIème siècle).

Deuxième Observation : L’étymologie des termes musicaux les plus courants et qui ont survécu jusqu’à nos jours montre que plusieurs apports se sont mélangés dans l’usage, puisqu’on y trouve des termes provenant de l’ère sanhajite, d’autres de l’époque arabe hassanite, d’autres encore, quoique en nombre moindre, de l’Afrique subsaharienne.

Troisième observation : La grande richesse des structures mélodiques et l’interpénétration des strophes (maqamet) penta et heptatonique dans la musique du tidnit ont pour origine le fait que cette musique a servi à accompagner les poésies chantées en dialectal et en arabe littéral, si bien que l’instrument s’est adapté aux scansions poétiques et à la voix des hommes, ce qui n’a pas été le cas pour certains instruments qui n’ont pas servi d’accompagnement à des performances vocales humaines. La présence du tidnit aux côtés du chant s’est pour l’essentiel affirmée avec l’arrivée des tribus du Ma’aqalqui ont grandement enrichi cette musique. 

Cette analyse est corroborée par la musique du tidnit des Touaregs (qui appellent cet instrument tihirdent). Cette musiquen’a en effet pas connu ce développement mélodique, car elle n’a servi qu’à accompagner des contes en prose et des sections mélodiques courtes, en dehors de toute forme prolongée de chant. Il apparaît donc que la contribution des tribus hassanites à l’enrichissement mélodique du tidnit a été bien plus marquante, comparée à ce que présentent les autres formes detidnit que l’on trouve dans la région (tidnitbembar, tidnit al takrarir, tidnit al sounenki). Par rapport au tidnit d’al badhaneces musiques se caractérisent par leur pauvreté tant au plan de la mélodie que de l’écriture musicale ou de la variété des contenus et des sonorités. 

L’apparition du chant humain a été l’une des modifications entraînées par l’interaction culturelle où l’intervention de chaque communauté humaine s’est traduite par un apport que l’on pourrait comparer à un nouvel ajout à l’ameublement de cette grande «tente culturelle» dont l’aire d’expansion a été évoquée plus haut. La musique fut à cet égard l’une des grandes réussites de cette complémentarité culturelle qui a marqué la région du Sahara occidental, qu’il s‘agît de complexité mélodique ou de richesse rythmique. Toutes les influences que décèle cette partie méridionale du pays a permis l’épanouissement de nombreuses structures rythmiques qui sont entrées dans la musique hassanite par la grande porte. 

Mohammed Ahdhana

Mauritanie

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