Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE CONTE MERVEILLEUX EN KABYLIE UNE APPROCHE ANTHROPOLOGIQUE

Issue 21
LE CONTE MERVEILLEUX EN KABYLIE UNE APPROCHE ANTHROPOLOGIQUE

Cette étudeaborde sous l’angle de l’anthropologie le conte merveilleux, en tant que celui-ci constitue un patrimoine oral menacé de disparition du fait des mutations rapides que connaît la société algérienne ainsi que de la mondialisation culturelle et des nouvelles tendances de notre époque. La région concernée est la Kabylie, et les contes sont étudiés en tant que textes, à partir d’une analyse du discours. Ces récits posent en effet les questions les plus importantes que la société kabylese transmet de père en fils, à travers cette mémoire collective qui conserve ce patrimoine populaire, creuset de la culture locale, et plus précisément traditionnelle, d’une partie de l’Algérie. Ces contes sont un reflet des données psychologiques, sociales, intellectuelles et culturelles qui structurent cette société. 

 

L’auteur tente à travers cette étude de comprendre le contenu de ces récits populaires collectés dans la région de la Kabylie en les reliant à l’environnement socioculturel et psychologique de la société locale où ces contes sont restés jusqu’à nos jours vivaces. Car, même si de tels contes relèvent de la pensée mythique – que l’on classe volontiers parmi les manifestations prélogiques et irrationnelles des sociétés primitives –, ils n’en témoignent pas moins du fait que la société kabyle est restée attachée aux idées qui s’y expriment et qu’elle ne se contente pas de les défendre mais les applique dans sa vie quotidienne. Cette société va même jusqu’à adhérer pleinement à certaines de ces idées, leur accordant une importance d’autant plus grande qu’elle craint, en s’y dérobant, les conséquences néfastes qui en pourraient découler pour elle comme, par exemple, la colère de Dieu ou l’intervention des mauvais esprits. L’étude anthropologique des contes met en évidence les défaillances fonctionnelles et les anomies qui se trouvent à l’intérieur de l’organisation structurelle de, la société kabyle, du fait des contradictions intellectuelles que le conte souligne au niveau des relations sociales entre les individus. 

Cette étude commence par une définition des principes de base de la sémiologie de la narration et du discours que le chercheur débutant ne saurait ignorer ou négliger, car ces principes consistent en un ensemble de concepts et représentations liés et inter-agissants qui se fondent sur des présupposés cognitifs nombreux, rendus confus et hermétiques par la multiplicité de leurs référentiels et de leurs fondements épistémologiques qui renvoient à des champs aussi divers que la philosophie, la psychologie; l’ethnologie, l’anthropologie, la sociologie ou la linguistique. Tous ces renvois offrent au lecteur un éventail de connaissances prodigieux, surtout que le premier objectif de l’analyse sociologiqueest cette mise à nu des significations du discours/texte qui fait de la théorie sémiologique une théorie du sens, le concept de structure étant lié à celui du discours/texte et à celui du niveau d’analyse sur la base duquel le texte est divisé en niveau superficiel et niveau profond. 

L’apprenant a besoin de disposer d’une compétence culturelle et sémiologique qui lui ouvre une fenêtre sur les arrière-plans qui sont l’implicite du texte. La littérature constitue, ici, un nouvel outil d’apprentissage, du faitqu’elle est le lieu d’un intense fonctionnement de la suggestion et del’implicite. Or, tout texte polysémique appelle une lecture plurielle afin qu’apparaisse le sens du texte dans sa totalité. 

Soulignons, pour terminer, qu’il serait erroné de lire les textes d’avant l’écriture selon les mêmes procédures que les textes d’après l’écriture. Plus encore on ne saurait lire des textes relevant de la culture populaire au même rythme de lecture que ceux qui sont écrits dans une perspective littéraire, que ce soit en arabe littéral ou dialectal. Ceux qui ont travaillé sur la nature des frontières,bien réelles, qui existent entre discours oral et discours écrit en connaissent la raison, à savoir que le discours oral s’oppose, au niveau de sa structure et de son système de communication, à la langue écrite, du fait de l’opposition même qui existe entre l’essence de l’oralité et celle de l’écriture, sans parler du fait que l’unité de sens dans le discours oral se fonde sur la construction  (ou « le montage », c’est-à-dire la coordination entre les sèmes – ou unités de sens – inter-reliés) alors que l’unité graphique se fonde sur le mot. 

Baddak Shabha

Algérie

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