Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE CONTE POPULAIRE AFRCIAIN AMADOU HAMPATE BA ET LE PATRIMOINE IMMATERIEL AFRICAIN

Issue 17
LE CONTE POPULAIRE AFRCIAIN AMADOU HAMPATE BA ET LE PATRIMOINE IMMATERIEL AFRICAIN

Yaacoub Al Mohrragui (Bahreïn)

A madou Hampâté Bâ est un ethnologue, un romancier et un essayiste malien qui a joué un rôle important dans la diffusion à travers le monde du patrimoine immatériel africain, en particulier les contes populaires de l’ouest du continent.

 

L’étude porte sur la méthodologie mise en œuvre par cet écrivain pour collecter, archiver, traduire et étudier le  patrimoine oral africain. Elle met en lumière le rôle qu’Hampâté Bâ a joué dans la protection et la conservation du patrimoine immatériel du continent, à travers le travail qu’il a accompli dans les centres et les institutions scientifiques spécialisées, notamment le Conseil exécutif de l’UNESCO. Elle passe également en revue quelques commentaires critiques sur sa méthode, tout en soulignant l’importance de ses recherches au regard des études récentes sur les contes populaires africains.

En lançant sa célèbre formule qui était un vrai appel au secours – « Un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle » – Amadou Hampâté Bâ savait, de par son expérience et son travail sur le terrain, le désastre que représenterait la perte du patrimoine oral africain, en tant qu’il constitue l’une des composantes historiques de la mémoire de l’humanité. Le conte populaire est en effet, à côté des autres formes de narration et des autres pratiques rituelles, l’un des éléments constitutifs de la matière sur laquelle portent les recherches culturelles, ethnologiques, anthropologiques et les autres études relevant des sciences humaines.

Hampâté Bâ a mené ses recherches dans les contrées les plus isolées et les moins connues pour y puiser, avec une patience, un courage et une persévérance dont lui seul avait le secret, les récits les plus infimes comme les plus complexes.

L’Afrique ancienne ne cesse de nous dire : « Soyez à l’écoute, toute chose vous parle, toute chose est en soi un langage qui tente de nous transmettre l’état d’un être qui, confusément, nous fait l’offrande de ses richesses ; apprenez à écouter le silence afin de découvrir qu’il est pure musique. »

Amadou Hampâté Bâ est né en 1900, dans la ville malienne de Bandiagara, ancienne capitale de l’empire de Massina. Il a été écrivain, historien, anthropologue, poète. Maître du conte populaire, il est considéré comme une référence, dans le domaine cultures peule et bambara et des traditions de l’Afrique occidentale.

En 1942, il a été choisi par l’ethnologue français Théodore Monnot pour travailler en tant que chercheur à L’Institut français de l’Afrique de l’ouest qui avait son siège à Dakar. L’une des premières missions qu’il eut à accomplir relevait de la recherche ethnologique et de la collecte du patrimoine oral. Il entreprit pendant quinze ans des études sur l’empire de Massina, et fut l’un des premiers chercheurs africains à œuvrer à la collecte, à l’archivage, à l’analyse et à la diffusion des trésors de la littérature orale traditionnelle des différentes régions de l’Afrique de l’ouest, qu’il s’agît de contes populaires, de récits, de fables ou de légendes en vers. Il écrit : « J’ai commencé par noter mes observations méthodologiques, dès 1921, au cours du long voyage que j’ai entrepris pour rejoindre mon premier lieu de travail, à Ouagadougou, en Haute-Volta (l’actuel Burkina Faso). » Il obtint, en 1951, une bourse de l’UNESCO où il put rencontrer d’éminents spécialistes des études africaines, notamment Marcel Griolles. En 1960, après l’accession du Mali à l’indépendance, il fonda l’Institut des Etudes humaines de Bamako, il devint ensuite le représentant de son pays à l’UNESCO et fut élu membre du Conseil exécutif de l’Organisation, ce qui lui permit d’attirer l’attention du monde sur les dangers qui menacent le patrimoine oral, en Afrique, et la nécessité d’en assurer la sauvegarde. Il contribua, en 1966, à la création du système d’écriture unifié pour les langues africaines.

A la fin de sa mission à l’UNESCO, en 1970, il se consacra à l’étude du patrimoine immatériel de sa région, en particulier les contes traditionnels qu’il publia en langue française. Son œuvre comporte, en outre, des écrits d’histoire et des études sur la religion. Il entreprit dans les dernières années de sa vie la rédaction de son autobiographie en langue française qui parut en deux volumes.

Amadou Hampâté Bâ mourut en 1991, à Abidjan, léguant à l’humanité une bibliothèque et des archives où il a pu préserver de l’anéantissement  contre lequel il n’a cessé de multiplier les mises en garde de véritables trésors de la culture universelle. Ne disait-il pas, outre sa célèbre formule sur le vieillard et la bibliothèque, que « le discours oral a une dimension qui l’apparente au feu, à l’instar de l’allumette dont il peut sortir un incendie susceptible de détruire tout un village » ?

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