Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE MAWWAL IRAKIEN

Issue 17
LE MAWWAL IRAKIEN

Khairallah Said (Iraq)

L’étude porte sur le mawwel (cantate), sa naissance, son développement et son épanouissement, en Irak. Il s’agit d’un art qui a par la suite constitué le terreau sur lequel a poussé le mawwel irakien, avec sa prosodie spécifique, laquelle a  généré le mawwel  quadri tonal.

 

Celui-ci a édifié ses structures sur les formes prosodiques existantes du muwwalia, ce qui prouve bien que ces formes ont été à la base du développement que ce type de poème a connu depuis l’époque où la jariya (courtisane) des Barmécides a créé ce genre poétique et musical, sous les Abbassides (IIe siècle de l’Hégire / 8e s.), et jusqu’au VIe s. H  /12e s., avec toutes les inventions et variations que cet art a pu connaître, au cours de cette longue période – et notamment le passage du quadri au quinté tonal, puis au ‘araj (irrégulier) et àl’hexa tonal no’amani, etc. –, une évolution qui a abouti au mode hepta tonal, dit az-zuhayri, qui en a parachevé la structure formelle en stabilisant la base prosodique sur le mètre dit al bassît, et en imposant des strophes de sept vers assonancés et non plus rimés.

Il semblerait que les poètes irakiens n’eurent, au long de cette période, d’autre préoccupation que de perfectionner ce genre car nous n’avons, en tant que spécialistes, rencontré aucun autre type de poésie qui les ait inspirés autant que le mawwel. Son extrême ductilité, au plan prosodique, autant que son mètre – al bassît –, son aptitude à accueillir le texte en arabe dialectal aussi bien qu’en arabe littéral ainsi que sa très grande popularité auprès du grand public, toutes catégories confondues, ont beaucoup contribué à ce que les poètes fassent du mawwel le genre poétique par excellence, pendant plus de six siècles. Les poètes n’ont en effet jamais cessé, depuis que la courtisane de Ja’afar le Barmécide (grand vizir de Haroun al Rachid) en a créé les premières formes, au IIe siècle de l’Hégire, jusqu’aux époques les plus sombres de l’empire arabo-musulman (VIIe, XIe et XIIe s. H/ 14e, 15e et 16e s.), d’œuvrer à affiner, à complexifier et à améliorer, tant dans sa forme que dans son contenu, l’art du mawwel, sans jamais porter atteinte à son mètre – le bassît. On citera Safieddine al Halî comme un des maîtres du genre, lequel est notamment évoqué par As-Siouti, dans  son Charh al Mouachahat (Pour expliquer les poésies à double rime) ainsi que par d’autres chroniqueurs.

Qu’il s’agisse du mawwel quadri, quinté ou hexa tonal ou du mawwel no’amani, qui imposaient au niveau de la versification des allitérations au nombre de cinq, formant une unité formelle et dotées de significations diverses, ou qu’il s’agisse encore du mawwel no’mani, où le cinquième vers est doté d’autres types d’allitération, toutes ces formes étaient de nature à rendre ardue la tâche du poète au plan de la production du sens. Ces contraintes, surtout perceptibles dans le cas des cinq formes d’allitération, et que vient compliquer, lorsqu’il s’agit du mawwel a’raj, la nécessité de dépasser l’écueil du vers irrégulier (a’raj), ont créé chez les poète une sorte d’inquiétude créatrice, d’autant que l’expérience – généralement longue – qu’ils ont de la pratique de ce genre poétique les a convaincus de la nécessité de préserver la force de la signification, au niveau des allitérations, et de ne pas céder à la facilité de reproduire les mêmes significations d’un vers à l’autre. C’est, précisément, pour cette raison que fut créée – sur une base expérimentale – la forme du mawwel az-zuhayri avec ses deux mouvements comportant chacun trois allitérations et une clausule ou rabbat (ligature) succédant aux trois allitérations du mouvement premier et engageant le jeu des trois allitérations du mouvement second. Nous avons, de la sorte un mawwel de sept vers où le mètre usuel, al bassît, est conservé dans la structure prosodique du poème.

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