LE CAFE ARABE
Issue 15
Abdelkrim Al Hachach (Syrie)
L’auteur souligne que le premier à avoir découvert le café qu’il a préparé à partir d’une plante qui pousse au Yémen, est le Cheikh Al Aydrous, mort en 909. Au cours d’un de ses périples, ce voyageur est en effet passé devant des caféiers produisant en abondance des grains que nul ne songeait à utiliser. En ayant consommé, le Cheikh remarqua que le café détend l’esprit, prolonge la veille et donne plus d’ardeur à la pratique de la foi. Il en fit sa nourriture quotidienne, en mangeant et en buvant et encourageant ses disciples à suivre son exemple.
Dans certaines régions d’Egypte et de Syrie la cafetière continue à être appelée « Chazli », en souvenir du cheikh. Le café se répandit au Yémen puis au Hîjaz, dans la presqu’île arabique, avant de passer en Syrie et en Egypte et de s’étendre au reste du monde. Au Xe siècle de l’Hégire, une controverse divisa les hommes de science au sujet des vertus de cette plante.
L’Europe ne connut le café qu’au XVIIe siècle. Le premier salon qui lui était dédié ouvrit ses portes, à Istanbul, au début de ce siècle. Suivirent des salons à Vienne, puis en Angleterre (1652), en Allemagne, en France et dans les autres pays d’Europe. Charles II voulut fermer les cafés, en Angleterre, y voyant des lieux propres à générer des désordres politiques, à inciter le peuple à se dresser contre le gouvernement et à abriter des mouvements susceptibles de nuire à l’ordre public. Cette décision ne put en rien empêcher la multiplication des cafés, si bien qu’aucune région au monde, ou presque, ne fut épargnée.
Certains estiment que le café vient à l’origine de l’Abyssinie où se trouve un village qui a donné son nom à cette plante qui pousse à l’état sauvage. Le café serait ensuit passé au Yémen qui l’aurait répandu jusque dans les parties les plus éloignées du monde arabe avant qu’il ne fût connu dans l’île de Java, à Ceylan, au Surinam(1781), à la Jamaïque, aux Indes occidentales, au Brésil et dans le reste de l’Amérique latine.
Même si la découverte et la véritable expansion du café remontent à peine à cinq siècles, le café n’en est pas moins devenu un symbole d’ancienneté et de tradition, comme en témoigne, du reste, la place qu’il occupe dans les milieux les plus raffinés où il est servi, lorsqu’on est en famille, en commençant par le plus âgé et en terminant par le plus jeune, et, lorsqu’on reçoit, en privilégiant les invités, lesquels sont servis selon le même critère de l’âge.
La préparation du café exige plus d’une heure de temps et l’utilisation de pas moins de trois cafetières. La première contient le « levain », c’est-à-dire les résidus de la précédente préparation ; la seconde sert à la cuisson du nouveau café qui est ensuite transvasé dans la troisième afin d’être servi aux convives.
On appelle sada le café sans sucre. Lorsqu’on ajoute une petite quantité de sucre le café est alors dit : a’rrîha (juste l’arôme). Le café hilwa, lui, est très sucré. Quant à la couleur, on trouve le café sombre et le café clair, que l’on appelle aussi café blond et qui n’est pas véritablement énergisant. La couleur de ce café, très apprécié en Arabie et dans la région du Golfe, tend au jaune, en raison du gingembre qui lui est additionné.
Les ustensiles pour préparer le café
Le « sac » à café : Il était fabriqué avec de la peau de gazelle et avait la forme d’une longue pochette dont le haut était fermé au moyen d’une lanière en cuir. Le café en grains était placé à l’intérieur de cette pochette avant la torréfaction, laquelle était quotidienne, car on ne conservait pas le café torréfié ou moulu pour ne pas en altérer le goût mais aussi pour ne pas se priver du plaisir de le torréfier, chaque jour, de l’écraser et de le laisser dégager son arôme sur le feu.
Al monqal ou al kanoun (le brasero) : il était en fer ou en cuivre, les cafetières étaient alignées sur la partie supérieure de ce brasero, lequel pouvait être remplacé par un trou que l’on remplissait de braises.
Les dalals ou baqarejs (sing. baqraj : cafetière) : fabriqués en cuivre, ils servaient, l’un, au « levain », le second à la cuisson du café et le troisième à servir les convives, à tour de rôle. La thermos a récemment fait son apparition, mais le café que l’on y conserve ne garde pas longtemps sa fraîcheur, du fait que la vapeur qu’il dégage retombe dans le liquide alors que c’est précisément l’évaporation au contact du feu qui donne sa saveur au café. Hamed bin Maiqa Al Hababi, protestant contre l’usage de la thermos et appelant au retour au baqrej, écrit : « Le café peu sucré se boit dans les fêtes et les cérémonies funèbres. Certains considèrent qu’il est de bon augure de verser le café en levant bien haut la cafetière ; d’autres, au contraire, condamnent cette pratique en disant :
Ils versent le café par aveuglement
Et disent : Loué soit le Tout Puissant ».