Revue Spécialiséé Trimestrielle

L’IMAGE DE LA BELLE-MERE DANS LA CULTURE DU QUOTIDIEN

Issue 13
L’IMAGE DE LA BELLE-MERE DANS LA CULTURE DU QUOTIDIEN

Ibrahim Mahmoud (Syrie)

le sexe, comme membre de la famille humaine.
D’être belle-mère, objet de tout un discours véhiculant une vision qui est celle, nécessairement stéréotyoée,  du gendre ou de la belle-fille, ne pouvait que la confiner dans un rôle bien précis où elle est ce qu’elle a toujours été depuis la nuit des temps : une femme !

Les proverbes portent la marque de l’histoire avec les stéréotypes immuables dont ils sont porteurs, comme si nulle réactualisation n’y pouvait trouver place, comme si la diversité qui signale l’évolution des sociétés était aussi incapable d’y introduire le changement que s’il s’était agi d’une photographie immobilisant à jamais l’instant. Il ya là une injustice historique, due à cette collective hostilité dirigée contre cette figure, quelles qu’en fussent par ailleurs les causes, sociales ou autres, hostilité inséparable du fait que la belle-mère est d’abord femme – une femme spoliée de toutes les vertus du cœur ou de l’ouverture sur les autres.

Le stéréotype repose en fait sur le rôle composite de la femme, tel qu’il découle de la relation belle-mère/belle-fille, les témoins pouvant à cet égard se trouver aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyer. Les faits rapportés supposent que l’on a affaire à une situation qui a dépassé le seuil de tolérance et épuisé la patience du gendre, comme s’il s’était agi d’une fatalité relevant de la nature des choses. Lorsque les choses s’aggravent au-delà de toute raison c’est dans une défaillance structurelle, en quelque sorte consubstantielle au sexe féminin, que l’on trouvera l’explication. Le sexe revêt alors une valeur symbolique ou sociale, il devient une sorte de colorant qui imprègne les relations familiales d’une puissante tonalité de violence.

La question n’est pas, au fond, en rapport avec cet acharnement que met le personnage dans la défense et le renforcement de son autorité à l’intérieur de la maison et qui est un message en direction de la nouvelle venue mais aussi de celle qui est restée dehors, la mère de la nouvelle venue – laquelle va, à son tour, se retrouver dans la peau de la belle-mère –, elle est en rapport avec la permanence de la hiérarchie au sein du foyer où la mère de l’époux a, des année durant, marqué les lieux de son sceau, chose qu’elle fait brutalement savoir à son entourage comme étant un droit historique.

Cette vision de la belle-mère, en tant qu’elle est la figure de la belle-mère, constitue une véritable déclaration de guerre à cette personne. Une telle image stéréotypée, la façon dont cette femme se trouve spoliée de ses autres rôles sociaux et les sentiments qu’elle éprouve du fait de cette stigmatisation font que l’état de guerre se poursuit par diverses voies au point d’atteindre ce stade à partir duquel on peut, justement, parler de catastrophe familiale. L’incompréhension entre les différentes parties a fini par produire une véritable accumulation de tensions, de violences, susceptibles de causer des dégâts, voire des victimes parmi des êtres vivants qui sont, selon divers critères, placés sous la responsabilité – et, certes, la protection – de quelqu’un qui s’appelle l’époux (ou l’épouse).
Dans le couple, chaque partenaire est un prolongement de l’autre autant qu’il se trouve dans la continuité de l’autre, mais en même temps chacun a besoin de cette part d’indépendance qui est l’unique garant d’un vivre ensemble digne d’être vécu, et jusqu’au dernier moment.

Le sang qui coule dans les veines de la belle-mère pourrait être beaucoup plus instructif quant à la perception précise des relations que tout autre propos sur le « vêtement » qui définit le « rang social »  de chacun – ce sang naturel qui n’est plus « un », mais est devenu une sorte de donnée culturelle « synthétique ». La belle-mère est condamnée à être une image de synthèse !


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