Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE TAMBOUR

Issue 10
LE TAMBOUR

On ne sait pas avec précision la provenance de cet instrument. Car, si la plupart des chercheurs pensent qu’il est venu au Bahreïn de l’Inde, quelques uns estiment qu’il serait plutôt originaire d’Afrique. L’auteur de l’étude penche, de son côté, pour l’Inde, eu égard au fait que le bois de karaf qui sert à la fabrication du tabl est importé de ce pays, le Bahreïn ne possédant pas dans ses forêts ce type de bois. En outre, il existe des similitudes, au plan des techniques d’assemblage, entre les modes bahreïni et indien de fabrication de cet instrument.

est au masculin, et c’est pourquoi il est considéré comme un instrument « mâle », sans que pour autant son caractère « viril » soit lié à l’acuité ou à la rudesse des sons qu’il fait naître ni à quelque autre considération. Hommes et femmes peuvent, du reste, en jouer, indifféremment.

Le tabl est la propriété d’eddar (siège de l’orchestre) ou du maître du bateau chez les marins. Dans le passé, cet instrument n’était pas la propriété du joueur de tambour, peut-être parce qu’il n’était pas utilisé seul, sauf pendant les nuits du ramadan où il set à réveiller les fidèles pour la collation (souhour) précédant le commencement du jeûne. Mais, à présent, chaque joueur possède son propre tabl. Le responsable des instruments de musique – dont le tabl – est appelé le maître de la ‘idda (l’orchestre ou le groupe musical). Le tabl est gardé avec les autres instruments rythmiques au sein de eddar (la maison, littéralement) ou siège de la ‘idda populaire, dont une partie des revenus est consacrée aux instruments.

Le tabl est un instrument professionnel que se procurent les spécialistes, à l’exclusion des autres citoyens, ou, le plus souvent, la ‘idda populaire. La société regarde en effet le joueur de tambour comme appartenant à une caste (ou catégorie sociale) inférieure. Ce préjugé remonte à des temps lointains où les compositeurs arabes considéraient les instruments à percussion comme étant de rang inférieur, comme en témoignent clairement des écrits remontant au 12è siècle. Ces ouvrages nous apprennent notamment que ces instruments étaient étroitement liés aux noirs dont le patrimoine est évoqué par le Livre saint comme étant fait de rythme et de danse – à moins que de tels instruments ne fussent propres à la musique folklorique qui était considérée comme de moindre valeur que la musique artistique.

Or, malgré cette discrimination sociale, le grand joueur de tambour bénéficiait d’un traitement spécial parmi ses collègues et jouissait de la considération du reste des membres de la ‘idda : il était appelé le « maître du tabl », bénéficiait d’un cachet plus important, en considération de ses performances et venait juste après le chanteur, par ordre d’importance.

Le tabl a une grande valeur artistique dans la mesure où il règle la cadence. Comparé aux autres, c’est aussi un des instruments les plus onéreux ; son prix actuel varie entre 100 et 300 dinars bahreïnis, et il est considéré comme un instrument des plus durables. Le tabl ne demande pas d’entretien permanent, sauf qu’il faut en relâcher les cordes et le suspendre dans la chambre des instruments de la ‘idda afin de l’aérer et de maintenir la qualité de la peau (salkh).

C e r t a i n s a r t i s t e s populaires avaient répandu la légende selon laquelle le tabl serait hanté par les djinns, peut-être en raison de la nature du bois dont il est fait et qui provient du jujubier, arbre considéré dans l’imaginaire populaire bahreïni comme la demeure des djinns, mais le plus probable est que cette légende visait surtout à empêcher les enfants de s’asseoir sur l’instrument, au risque de l’abîmer, en brisant ou en trouant le bois de karaf qui entre dans sa fabrication ou en détruisant la peau du côté où ils pourraient s’asseoir, tout en laissant passer des grains de sable qui risquent de l’endommager, par l’autre côté, qui serait posé à même le sol.

Le tabl est un instrument essentiel dans les arts liés aux gens de la mer ainsi que dans les autres arts populaires, exception faite des arts venus de l’étranger, comme ceux du tambourin, de la lioua ou de la jirba. Cet instrument est aussi partie intégrante de l’existence de l’immense majorité des habitants de Bahreïn, et la place qu’il occupe dans les arts populaires (non exogènes) du Bahreïn lui a valu une certaine considération et conféré le label de l’authenticité.

Le tabl est également un des instruments les moins ornementés, les joueurs préférant se passer de toute sorte de parement pour des raisons de fonctionnalité, outre que les éléments décoratifs risquent de casser les cordes. Le tambour orné de têtes de clous (sing. dabbous ; pl. dababis) est appelé tabl moudabbas (clouté).

gamal al-sayad (Bahreïn)

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