Revue Spécialiséé Trimestrielle

VERS UNE LECTURE CULTURELLE DES ARTS POPULAIRES L’EXEMPLE DE LA DANSE COLLECTIVE AU MAROC

Issue 48
 VERS UNE LECTURE CULTURELLE DES ARTS POPULAIRES  L’EXEMPLE DE LA DANSE COLLECTIVE AU MAROC

 

Abdel Fattah Chahid

  Professeur de critique littéraire à l’Université Hassan Premier

  Royaume du Maroc

 

L’étude s’efforce de mettre en évidence le rôle du patrimoine populaire dans le développement de la culture ainsi que la richesse culturelle au sein de la société, en tant qu’elle est l’expression de l’identité authentique et des valeurs les plus profondément enracinées, loin de toute ‘’folklorisation’’ et de toute ‘’mise en spectacle contingente’’. L’auteur prend appui sur l’analyse culturelle  pour une approche des arts populaires et des discours culturels marginaux ; il  ne cesse d’interroger les textes pour aller plus loin que les textes afin de déterminer les liens indissolubles qui, d’un côté, les attachent aux valeurs, et de l’autre aux institutions et aux autres pratiques développées dans le champ de la culture. Le but qu’il poursuit sans relâche est de ‘’mettre à nu’’ les valeurs du refus et de la domination, de combattre la médiocrité et d’affirmer l’essence collective, nationale, culturelle et artistique de la communauté, de la famille ou de la patrie, dans leur lutte contre les diverses formes de domination culturelle.

Sont ainsi réhabilités les cultures locales, les classes populaires et les arts qui sont l’expression authentique de leur être car ils représentent de façon fidèle le peuple dans toute sa profondeur temporelle et spatiale et dans toutes les sinuosités que présentent sa culture et son savoir. L’auteur a choisi à cet égard de se pencher sur la danse collective marocaine pour tester les hypothèses et mécanismes d’analyse qu’appelle cet art qui se présente comme un discours cohérent où se mélangent des genres très divers et des perspectives artistiques et culturelles éloignées les unes des autres.

Les danses collectives, en tant qu’art populaire hérité du passé,  ne sont pas de simples mouvements exécutés de façon superficielle et isolés de leur substrat social. Les paroles qui les accompagnent ne sont pas non plus des expressions valant par elles-mêmes, sans lien avec les problèmes et les préoccupations du groupe. La musique sur laquelle se règlent les pas de danse n’est pas un simple jeu instrumental fait pour le plaisir et le divertissement, mais bien une pratique culturelle profondément enracinée dans l’âme des musiciens, ces enfants du peuple qui en portent le flambeau depuis les temps les plus anciens et dans les lieux les plus animés. Cette musique remplit sans discontinuer sa mission de résistance et de lutte pour la préservation de l’être et le développement du patrimoine.  Elle illustre avec brio les valeurs de travail, de coopération,  d’équité, d’héroïsme pour l’édification des univers de création, d’art et de culture à travers l’exploration des secrets du groupe afin d’en révéler les aspirations existentielles.    

Danse populaire est le terme générique qui est employé pour décrire les danses propres à chaque peuple, mais ayant des racines similaires, héritées de génération en génération. C’est pourquoi ce type de danse est généralement considéré comme un important moyen d’expression par lequel les peuples formulent leurs sentiments et leurs croyances et révèlent leurs choix esthétiques et leur richesse culturelle et intellectuelle. 

L’un des traits distinctifs des danses collectives marocaines est qu’elles s’offrent comme un discours cohérent qui est un mélange harmonieux de poésie, de chant, de musique, de mouvements, de coutumes, de mode vestimentaire ou alimentaire, d’activités, de productions artisanales… La danse et le chant sont de fait l’expression symbolique de réalités culturelles d’une extrême profondeur et complexité. Ils mettent en valeur les spécificités sociales, linguistiques, philosophiques de l’homme, qu’il soit simple spectateur, qu’il interagisse avec la performance ou ne soit rien de plus qu’un membre de la société qui a généré ces manifestations culturelles.

L’auteur estime enfin que les arts populaires, en général, et la danse collective, en particulier, constituent sans le moindre doute des constructions artistiques nourries de valeurs et productrices de beauté. La lecture culturelle l’a conduit à en découvrir les résonances avec l’individu, le groupe et le patrimoine, et à lever le voile sur les principes de refus et de résistance qu’ils recèlent. 

Cette hypothèse se confirme dans la présente étude à travers l’examen des arts de la danse collective marocaine, en tant qu’ils constituent un produit culturel authentique et en perpétuel renouvellement, en même temps qu’un discours esthétique cohérent qui, par ses riches structures culturelles, incite à cet effort d’analyse et de réflexion qui a conduit l’auteur à mettre en évidence le système de valeurs qui le sous-tend. De façon plus particulière, il insiste  sur des valeurs telles que la résistance et la défense du groupe, la justice à l’égard de la femme et la considération qui lui est due, la coopération et l’entraide, qui ne sont en fait qu’ un axe  autour duquel tournent bien d’autres valeurs, transmises d’une génération à l’autre et demeurant à ce jour un havre de beauté et de grandeur sur cette terre. En ces premières décennies du XXIe siècle, ces valeurs ont pris une nouvelle dimension avec l’irruption des technologies modernes et des réseaux sociaux qui constituent un autre domaine de réflexion que l’auteur se propose d’explorer dans de futures études.

Toute Issues